Keur Diogoye. Un nom plein d’histoire. Une villa chargée de symboles surtout, mais pas très connue des Sénégalais. Keur Diogoye, c’est la maison familiale des Senghor. Mais Keur Diogoye reste un patrimoine inconnu des Sénégalais et ignoré par les autorités.
Situé à Joal, dans la région de Mbour, distant de Dakar 110 Km, Keur Diogoye est la maison familiale de Diogoye Basile Senghor, père du défunt premier Président du Sénégal, Léopold Sédar Senghor. Cette maison structurée en 3 bâtiments et construite vers les années 1880, est devenu un musée. Elle reste une maison mythique, chargée d’histoire et de symboles.
Dans le bâtiment central, est exposé l’histoire du papa et de la famille Senghor. Dans le second bâtiment se trouvant à gauche, on découvre la vie et le legs de Léopold Sédar. Quant au bâtiment situé sur la droite, ce sont des oeuvres liées à la culture et à la tradition des Sérères qui y sont exposées. Conservateur du musée de Keur Diogoye, Etienne Guirane Dieng informe que c’est quand Léopold Sédar Senghor est venu dans la maison en 1976, pour son 70e anniversaire, qu’il s’est dit que, «vu qu’ils étaient un peu nombreux les héritiers, donc pour ne pas se partager les pierres de la maison du père, il valait mieux faire de la maison un souvenir pour le papa. C’est comme ça que la maison est devenue un musée. Elle est ainsi passée d’une maison familiale à un musée».
Malgré le fait que la maison soit devenue un musée, elle n’est presque pas fréquentée par les Sénégalais. «Des touristes, il y en a un peu qui viennent. Mais du fait certainement de la crise économique, les gens préfèrent aller plutôt sur l’île de Fadiouth. Mais cela dépend aussi des touristes. Il y en a qui sont plus culturels et qui passent ici. Mais le fait est que Keur Diogoye n’est pas très visitée. Les Sénégalais ne viennent presque pas ici», indique le conservateur.
Pour Etienne Guirane Dieng, cette situation découle d’un manque de communication. Pourtant, Keur Diogoye a été classé patrimoine national. «Le travail de communication, ce n’est pas à moi de le faire. Ce que je fais, c’est un travail de mémoire. Le travail de communication ou de publicité, c’est à une échelle beaucoup plus élevée que moi. C’est peut-être la municipalité ou le syndicat d’initiative ou plutôt le ministère de la Culture qui doit se charger de ça. Parce que je dis souvent que la plupart des touristes qui passent par-là, il n’y a que le centième qui visite la maison et je trouve que ce n’est pas normal», fustige-t-il.
Ces touristes qui viennent principalement de Saly, d’après M. Dieng, «le problème qu’ils posent c’est de dire que la visite est un peu longue. Or, pour eux, time is money (le temps de c’est de l’argent), donc ils n’ont pas le temps de se cultiver. Ils ont plutôt le temps de regarder. Et regarder et partir, ce n’est pas la même chose que visiter. Les tours opérateurs aussi, c’est des gens qui cherchent de l’argent et ils n’ont pas assez de temps pour passer 45 minutes à visiter Keur Diogoye. Ils préfèrent aller sur l’île de Fadiouth faire la balade et puis renter chez eux».
Ainsi, la particularité de cette demeure est le fait qu’elle soit classée patrimoine historique national, mais que depuis qu’elle l’a été, rien n’a été fait pour la valoriser. «Je n’ai pas vu, ni entendu que le ministère de la Culture est passé par là ou a fait quelque chose pour la maison. Et c’est vraiment regrettable. Le problème, c’est que quand vous passez au niveau du ministère de la Culture, ils vous disent que la culture est décentralisée et que ce n’est pas de leur ressort. Quand vous allez au niveau de la municipalité, ils vous disent que la maison est classée patrimoine national et ne dépend d’eux. Vous voyez qu’il y a un flou juridique au niveau du statut de ce musée de Keur Diogoye», se désole-til, avant d’ajouter : «Je suis entre le marteau et l’enclume. Je suis là en train de virevolter entre deux autorités différentes ».
CELEBRATION DE LA FRANCOPHONIE - LE MUSEE DE KEUR DIOGOYE PAS ENCORE DANS L’AGENDA
En prélude au sommet de la Francophonie, prévu au mois de novembre à Dakar, les préparatifs vont bon train. Sur le site du Palais des congrès situé à Diamniadio devant accueillir l’événement, les ouvriers sont à pied d'oeuvre. C'est un événement qui va célébrer le président Abdou Diouf, président sortant de l’Organisation internationale de la Francophonie (Oif). Et en parlant de Francophonie, on pense aussi à Léopold Sédar Senghor, l’un des pères fondateurs de cette organisation.
Sauf que, souligne Etienne Guirane Dieng, non moins administrateur du musée de «Keur Diogoye» de Jaol, à quelques mois de la Francophonie, il n’a pas été contacté pour parler de l’agenda concernant Senghor ou autre chose. Il dit ne peut pas concevoir qu’on parle de Francophonie au
Sénégal sans commencer par feu Senghor. «Quand nous appelons les autorités, on nous dit qu’on a fait des séminaires sur Senghor. Moi, je dis que ce n’est pas ça, Senghor n’a pas besoin de séminaires, il a besoin de culture. Regardez l’état de la maison, moi je dis que ce n’est pas digne de Senghor, ce n’est même pas digne du Sénégal», a-t-il dénoncé.
Ruminant sa colère, il déclare : «Il faut qu’on cesse de parler de politique, il faut parler de la culture. C’est la culture qui nous lie nous tous. Mais la politique nous divise tout simplement. Je ne peux pas concevoir qu’on parle de Senghor et en retour voir l’état de la maison Keur Diogoye, pour moi c’est honteux».
A la question de savoir qu’est-ce qui a été retenu ou prévu pour l’événement concernant Keur Diogoye, il peste : «Je ne sais pas ce qu’ils ont prévu pour la Francophonie. Mais à ma connaissance et jusqu'au moment où je vous parle, je n’ai vu personne qui est venu pour dire qu’on a trouvé
quelque chose pour la maison. Faire des visites à Joal c’est peut-être dans leur calendrier, mais je ne suis pas au courant».
«On rencontre toutes les difficultés du monde pour réussir ce festival que nous faisons avec beaucoup de peine. Il n’y a pas une édition où je ne verse pas des larmes tellement c’est dure pour nous à tous les niveaux. Aucun ministère ne nous vienne en aide. Ni celui de l’éducation et de la culture encore moins celui de la famille pour ne citer que ceux là alors qu’on les a adressés à tous, des lettres. Ces autorités frustrent. A la limite, elles nous découragent». Ses propos sont de la présidente du Festival Au Royaume des Enfants (FARE) Codou Dieng Cisse. Elle se prononçait hier, mardi 2 septembre 2014 à l’occasion de la conférence de presse sur les préparatifs de la 7ème édition de ce programme prévu du 5 au 7 septembre à Dakar.
Elle n’en peut plus ! Il s’agit de Codou Dieng Cissé. L’organisatrice du festival au Royaume des enfants, dit éprouver toutes les peines du monde pour boucler chaque année, son budget nécessaire à la manifestation qu’elle organise, il y a de cela, sept ans, maintenant.
La faute, Mme Cissé l’impute aux autorités étatiques, qui n’accordent aucun intérêt à cette fête des enfants.
«Les autorités n’ont pas de considération envers nous et notre activité qui ne leur intéresse point» se désole-t-elle, lors d’une conférence de presse qu’elle a animée hier, mardi 2 septembre, à l’IPG.
Et l’initiatrice dudit projet d’ajouter, «c’est écœurant de voir que dans son propre pays, on ne parvient pas à être soutenu comme il le faut. Alors que ce projet de FARE est quelque chose d’important pour ces enfants qui en sortent avec beaucoup de connaissances. Cette festivité est plus indispensable que beaucoup d’autres activités que l’on a l’habitude de voir et à qui, on donne une ampleur incompréhensive».
«Dans ce pays, martèle-t-elle, il est temps que l’on mette l’essentiel sur l’essentiel, car, la vie n’est pas uniquement de l’amusement et de loisirs, même si ces derniers font parti intégrante des droits de l’enfant». Selon elle, les vacances doivent aussi servir à apprendre à cette couche, non moins importante de la société, leur culture d’où l’importance de FARE.
Malgré ces difficultés susmentionnées, Mme Cissé reste convaincue qu’avec les enfants, il n’y a rien de vain. «Dieu viendra toujours en aide» se résigne-t-elle.
«Il est vrai que dans ce festival, je ne gagne rien en terme d’argent, de matériel ou quoique ce soit, mais le sourire d’un enfant, pour moi, vaut tout l’or du monde» indique-t-elle.
Revenant sur la 7ème édition du FARE, la présidente explique que c’est une compétition africaine car rassemblant aussi bien des sénégalais que certains enfants dans la sous-région. Il vise d’abord à promouvoir l’excellence, les valeurs de solidarité, de paix, de tolérance. Il permet également aux enfants d’apprendre à parler sagement, à s’exprimer librement, à adopter de bons comportements et surtout à respecter leurs parents.
«Le festival pousse les enfants à rester sur le bon chemin car s’il y prend part, l’enfant n’aura plus droit à l’erreur. A titre d’exemple, chaque année, les anciens participants, avec qui j’ai toujours le contact, m’appellent pour me faire part de leur vie quotidienne, des bonnes actions qu’ils ont eu à faire, de leurs résultats à l’école... Ils deviennent en quelque sorte des ambassadeurs dans leur quartier. Ils tentent d’influencer leurs camarades. Ce qui est déjà très important en terme de résultat», dit-elle.
Avant d’informer que le festival est aussi une plate forme de communication et de sensibilisation.
L’édition de cette année sera marquée par l’élection du Roi et de la Reine, d’une journée de solidarité mais également d’une caravane. Ce qui constitue une innovation.
Elle propose deux thèmes aux festivaliers parmi lesquels : «Femmes et jeunes acteurs de développement ; une éducation de qualité, gratuite et adaptée pour tous les enfants en Afrique».
1- Un coup de fil de Senghor, c'est ce que redoutait plus que tout, le premier président de la République de Mauritanie, Moctar Ould Daddah! En privé, il ne cessait de se plaindre :
-Son français est trop fort pour moi, disait-il.
Chaque fois que Léo l'appelait, il s'écriait en direction de son chef de Cabinet:
-Ould Mouknas, apporte-moi le gros dictionnaire!
Un jour, au téléphone, il entend le grammairien lui poser la question suivante:
-Mon cher Moctar, est-ce que la Mauritanie a ratifié la convention de Yaoundé?
-Accordez-moi une minute, Monsieur le président...Ould Mouknas, regarde le verbe "ratifier" et le nom "convention".
-Président Ould Daddah..."ratifier" signifie "signer" et "convention" accord.
-Oui, Monsieur le président Senghor, la Mauritanie a effectivement ratifié la Convention de Yaoundé"...Mais je souhaiterais que nous ratifions la Convention d'un français plus simple!
2- Lors d'un sommet de l'Organisation de l'Unité Africaine (O.U.A.), l'ancêtre de l'Union Africaine (U.A.), le
Maréchal Jean-Bédel Bokassa, empereur de Centrafrique, arriva en courant dans la salle où se tenait l'Assemblée Générale. Haletant, il hurla:
-Est-ce qu'il a déjà parlé ? -Qui? -Celui qui parle français ! -Il s'agit de qui?
-Espèce d'Ignorant, quel est le chef d'Etat qui parle français en Afrique, à part Senghor?
Tous les autres sont comme moi: nous ne parlons que le français tirailleur !
3 - Le président guinéen Ahmed Sékou Touré avait envoyé à Senghor de nombreuses missives que celui-ci avait classées sans suite. Un jour, excédé par le comportement inamical de son correspondant, il dépêche à Dakar son ministre des Affaires étrangères pour s'enquérir des raisons de ce silence.
-Mais, dit le grammairien, je ne peux pas répondre à une lettre où l'auteur n'arrive pas à faire la différence entre "de nouveau" et "à nouveau". "De nouveau" signifie "encore une fois de la même manière" alors que "à nouveau " a le sens de "encore une fois mais de manière différente".
Exemples: Votre travail d'aujourd'hui est bon; demain, reprenez-le de nouveau. Votre travail d'aujourd'hui est mauvais; demain, reprenez-le à nouveau. A son retour de mission, le Chef de la diplomatie guinéenne répète au président Sékou Touré la leçon de son homologue sénégalais.
-Ah bon, dit Sékou Touré, il veut me montrer qu'il est agrégé de grammaire française, ce déraciné, cet acculturé, cet apatride ! Retourne à nouveau pour lui dire que j'aurai pour lui plus de respect s'il devient de nouveau agrégé en... sérère!
4- (Histoire authentique) Furieux, le président Sékou Touré organise un grand rassemblement à
Conakry et demande à un jeune Guinéen de lui poser ces questions!
- Camarade président, qu'est-ce que la Négritude ?
- C'est le fait de chanter la" Femme noire" et d'épouser une Blanche!
-Camarade président, qu'est-ce que la Francophonie ?
- C'est le fait de glorifier la langue française et d'être incapable de parler une langue nationale !
-Camarade président, qu'est-ce que l'Africanité?
-C'est le fait d'exalter la beauté de l'Afrique et d'aller passer ses vacances en Europe !
A la fin de la manifestation, Sékou Touré s'écrie :
-Je demande à tout le peuple guinéen de prier pour que mon ennemi Senghor meure !
Le lendemain, celui-ci lui répond lors d'un discours:
- Je demande à tout le peuple sénégalais de prier pour que mon ami Sékou Touré guérisse car il est devenu fou!
5 - (Histoire authentique)
En 1958, les colonies françaises étaient soumises à un referendum par le Général de Gaulle. Elles devaient voter pour la Communauté franco- africaine ou pour l'indépendance immédiate. Tous les hommes politiques africains firent connaître leurs positions.
Senghor qui estimait que les pays africains ne devaient pas aller à l'indépendance en ordre dispersé mais sous la forme de fédérations, fut alors invité à se prononcer sur la question.
Alors, il déclara du haut de la tribune:
- Nous voulons l'indépendance immédiate mais pas immédiatement dans l'immédiat !
LA VIE SANS LES BIENFAITS DE LA CUISINE TRADITIONNELLE
Saine et riche sur le plan nutritionnel, la cuisine traditionnelle est en voie de disparition dans beaucoup de localités du pays. En ville comme en campagne, le riz, pourtant réputé peu riche en vitamines, a fini par imposer son diktat.
Dans certaines localités du Sénégal, l’art culinaire traditionnel meurt à petit feu. Dans le Sine, au cœur du terroir sérère, les plats jadis très cotés comme le « ngourbane », le « niéleng » et le « mbédienguel », tous faits à base de mil et qui avaient des vertus diététiques, ont presque disparu au profit du riz et de ses dérivés. Et il suffit d’interroger les plus jeunes sur ces mets traditionnels pour s’en rendre compte. La plupart d’entre eux ne peuvent pas vous en citer un seul.
Par contre, ils connaissent bien le « tiébou dieune », le «mbakhal» et le «maafé» et tous les autres repas préparés à base de riz. « Il m’est arrivé de préparer le « mbédienguel » l’année dernière ; mais à ma grande surprise, aucun des enfants n’a goûté à ce plat. Pourtant, c’est un mets riche et délicieux ; mais le seul problème est que les jeunes ne le connaissent pas.
En revanche, mes fils raffolent du riz. Si c’est le « thiébou dieune » (Ndlr : riz au poisson), le « mafé » ou le « Yassa », les enfants ne se font pas prier pour manger», soutient la jeune ménagère Fatou Ndiaye, une habitante de Fatick.
Pour cette jeune dame, les pouvoirs publics doivent faire des efforts pour réhabiliter et promouvoir l’art culinaire traditionnel. D’autant qu’à son avis, la cuisine traditionnelle renferme beaucoup de vitamines et de richesses nutritionnelles.
LE DIKTAT DU RIZ
Fatou Ndiaye pense également que la consommation des plats traditionnels pourrait être une solution de rechange face à la cherté du riz. « La réhabilitation de la cuisine traditionnelle ne demande pas de gros moyens parce que la plupart de ses plats sont faites à base de mil, une céréale qui est cultivée chez nous. Du coup, si l’on arrivait à faire consommer ces plats aux Sénégalais, les milliards qui sont injectés chaque année, pour l’importation du riz, pourraient être affectés ailleurs. Ce serait en même temps, une bouffée d’oxygène pour les pères de famille qui sont à la merci des fluctuations du prix du riz », se convainc-t-elle.
Comme en ville, le riz a donc fini par imposer sa loi en milieu rural ; au détriment des plats traditionnels dont la richesse sur le plan nutritionnel se mesure à l’aune de leur variété. Une situation que déplore, de vive voix, le sexagénaire Ibou Faye, un résident de Hann.
« La cuisine traditionnelle est de loin meilleure que la cuisine moderne. Jadis, on mangeait naturel et la cuisine était à la fois riche sur le plan nutritionnel et saine », se rappelle-t-il, un brin nostalgique.
Il ajoute que si les gens avaient une meilleure santé à l’époque que de nos jours, c’est parce que l’alimentation était de qualité. « Aujourd’hui, c’est tout le contraire. Il y a beaucoup de produits chimiques dans ce que nous mangeons. Les gens ne mangent plus naturel mais plutôt gras, sans compter les nombreux additifs qu’on met dans les repas », constate encore M. Faye.
UNE AFFAIRE D’ESPERANCE DE VIE
Le diététicien Pape Ahmadou Seck abonde dans le même sens. « De plus en plus, les Sénégalais se gavent avec une forte dose de produits toxiques. En conséquence, l’obésité a pris des proportions alarmantes dans notre pays », révèle-t- il, avec une marque d’inquiétude.
Selon lui, beaucoup de maladies telles que l’hypertension, l’obésité, le diabète ...ont pour cause la mauvaise alimentation actuelle. Autant de pathologies qui n’avaient pas une très grande progression jadis, si l’on en croit la vieille dame Lorris Diouf. « Les gens de notre génération sont en très bonne santé. En outre, ils ont une espérance de vie beaucoup plus longue que celle de la nouvelle génération. Nous avions une alimentation naturelle et saine », témoigne-t-elle.
Née, il y a près d’un siècle dans le village de Boyar, distant de quelques kilomètres de Fimela, la nonagénaire ne porte pas son âge. Excepté les cheveux qui ont tous blanchi, mère Lorris, comme on l’appelle affectueusement, a encore un look relativement juvénile.
Son secret? « On mangeait bio, du « ngourbane », du « mbédienguel », des plats à base de céréales locales et on buvait sans cesse du lait caillé. C’est pourquoi d’ailleurs, nous étions en très bonne santé. Moi quand j’étais jeune, j’étais très forte », se souvient avec fierté, la doyenne de Boyar.
LE KANKOURANG FACE À L’ÉQUATION DE LA CONSERVATION
CULTURE MANDINGUE
Samba Oumar Fall et Amath Sigui Ndiaye |
Publication 02/09/2014
Chaque peuple a ses coutumes, ses croyances et ses pratiques qui se perpétuent à travers le temps. Certaines d’entre elles sont aujourd’hui délaissées et d’autres survivent. À Mbour, le Kankourang est resté un moment central dans la transmission des valeurs qui fondent l’historique de la communauté mandingue. La richesse et l’originalité de ce masque d’initiation des Mandingues de la Sénégambie qui joue un rôle essentiel dans le rétablissement de l’ordre social lui ont valu un classement au patrimoine culturel immatériel mondial par l’UNESCO en 2005. Dans un monde en pleine mutation, les actions conjuguées pour assurer la conservation du symbole sont unanimement reconnues. Mais, elles ne prendront toute leur portée que s’ils laissent une trace de vie dans le futur. D’où l’impérieuse nécessité de renforcer encore la protection de ce précieux patrimoine et d’assurer, avec toute l’efficacité requise, la transmission de ses valeurs aux générations futures. Car il y va de la survie de l’identité mandingue
Ville cosmopolite, Mbour se com- pose de multiples ethnies avec des pratiques et des croyances différentes. Cette richesse forme un berceau culturel impressionnant. À Mbour, la culture mandingue se confond avec l’occupation de cette localité. Cette communauté est organisée en un collectif composé par le Conseil des Sages, le secrétariat exécutif, les commissions techniques et les cellules des femmes.
Le poste de président est occupé par un membre de la génération la plus ancienne. Et c’est le Conseil des anciens qui le choisit ; un choix du reste jamais discuté. C’est la règle de la primo- géniture qui prévaut, celle du respect de la hiérarchie. Cheikhou Dabo définit la Collectivité mandingue comme une entité regroupant les Mandingues du Gabou, du Woyi et du Pakao.
« Nous avons comme trait d’union le Kankourang qui est une valeur consacrée par l’UNESCO comme patrimoine immatériel et oral de l’humanité parce que c’est une valeur sûre qui constitue un moyen d’éducation pour les circoncis et en même temps il est le génie protecteur de Mbour et de toutes les contrées attachées à ce symbole », fait savoir le secrétaire exécutif de la collectivité mandingue.
Selon M. Dabo, le Kankourang vient du Gabou, du Woyi et du Pakao. « Il y a même une chanson qui consacre cela. Les Mandingues de Mbour ont voulu perpétuer cette culture et ils l’ont conservé, l’ont élargie au point que l’UNESCO ait cru devoir en faire un patrimoine mondial », assure-t-il.
La culture mandingue est omniprésente dans les grands foyers regroupant cette communauté et localisés dans les quartiers de Thiocé-Est, Thiocé-Ouest, Santassou, « 11 Novembre ». À travers le rituel du Kankourang qu’elle perpétue depuis plus d’un siècle maintenant, cette communauté a réussi à conserver une grande partie de son identité.
Selon les gardiens de la tradition, « le Kankourang joue un rôle de cristallisation de l’identité du groupe man- dingue face aux autres groupes ».
Affronter la vie adulte
Chaque année, au mois de septembre, ce rituel associé à l’initiation permet aux plus jeunes de recevoir des anciens certaines valeurs et d’acquérir les comportements d’un homme mûr prêt à affronter la vie adulte.
« Dans l’ancien temps, la cérémonie du Kankourang s’étalait sur toute la période de la saison des pluies, période à laquelle la végétation renait. Cela est censé favoriser la reproduction parce que l’une des fonctions de l’initiation est de favoriser la reproduction biologique de la société elle-même », fait savoir Sadibou Dabo, conservateur de l’espace Kankourang.
Mais aujourd’hui, la cérémonie ne dure qu’un mois. Pour ce professeur d’histoire et chercheur, le plus important, ce n’est pas le spectaculaire ni les sorties du Kankourang encore moins les gens qui lui courent après et ceux qui ont peur, mais plutôt ce qu’il symbolise. « Le Kankourang symbolise un background culturel. Il incarne les valeurs éducatives, sociales et culturelles du milieu mandingue, notamment celles de respect de la hiérarchie, des aînés, de la politesse, de la solidarité, le bon voisinage que nos ancêtres nous ont légués et qu’il faut transmettre aux futures générations », explique-t-il.
La sortie du Kankourang, en plus de drainer une foule monstre, a un impact incommensurable sur la ville de Mbour. « Quand le Kankourang sort, la vie renait surtout les week-ends. Un monde fou venu des autres localités se déverse sur Mbour qui devient l’unique destination, ce qui rend encore plus dynamique la vie économique et sociale. Dans beaucoup de familles, les parents viennent et les tensions à l’intérieur des familles diminuent, l’in-sécurité aussi parce que les malfrats ont peur de sortir la nuit et de croiser le Kankourang », raconte Sadibou Dabo.
Cependant, reconnait-il, les problèmes sont parfois au rendez-vous du fait que seuls les initiés ont le droit de le suivre. « Mbour a grandi, cette ville appartient à tout le monde et les citoyens ont le droit de circuler, de se déplacer, de vaquer à leurs occupations. Cela entre en contradiction avec la nécessité de préserver les sorties du Kankourang qui n’est entouré que par des initiés. Cela entraîne des problèmes de cohabitation, des incompréhensions liées au fait que certains ne peuvent pas concevoir être limités dans leurs droits de fréquenter telle ou telle rue parce que le Kankourang passe », rappelle-t-il.
Il n’empêche, selon M. Dabo, que beaucoup de gens qui ont longtemps cohabité avec les Mandingues à Mbour comprennent ce phénomène-là. Pour Cheikhou Dabo, beaucoup de valeurs gravitent autour du Kankourang qui correspond à la circoncision des jeunes Mandingues. Ce patrimoine est, selon lui, un ensemble de traditions et d’expressions orales, d’arts du spectacle, de pratiques sociales et de savoir-faire.
« Ce sont les sites du Woyinka, de Thiocé Est et Ouest, de Diamaguène, de Santessou et Mboulème qui abritent les « leuls » et à l’intérieur desquels, on peut trouver des circoncis au nombre de 300 à 500. Et pendant un mois, tout le temps est consacré à leur éducation et à leur formation. La bonne voie leur est indiquée, ce qu’il faut faire ou pas », indique-t-il, en rappelant que l’éducation dans les « leuls » socés est souvent assortie du bâton pour corriger les circoncis afin de leur inculquer et leur prodiguer un enseignement de qualité les préparant à une vie d’homme.
En outre, souligne-t-il, la culture tourne au tour de toutes les valeurs que véhicule une ethnie, un groupe, un pays. « Si nous faisons le dénombrement de toutes les valeurs au Sénégal, le Kankourang chez les Socés, le Kumpo chez les Diolas, le Ndeup chez les Lébous et d’autres formes de civilisation dans d’autres contrées ont des particularités liées aux ethnies et qu’il faut véhiculer, propager étant des valeurs qui servent la communauté ».
Et chez les Socés, note-t-il, « le Kankourang est une occasion pour les Mbourois d’origine ou d’adoption de se ressourcer au mois de septembre qui constitue véritablement une période d’effervescence populaire ». De l’avis de Cheikhou Dabo, les Mbourois doivent comprendre que le Kankourang est un patrimoine collectif à tous ; même les Mandingues qui en sont les détenteurs. « C’est un trait d’union entre les Socés et les autres ethnies », informe-t-il.
Mutations
L’édition 2014 du Kankourang a démarré le dimanche 31 août comme précisé par les organisateurs et se prolongera jusqu’au 28 septembre. L’ouverture a été marquée par le « jambo-jambo » ou « danse des feuilles » qui regroupe les initiés de toutes les classes d’âge et prend départ de la brousse vers les différents « leuls ». Pendant un mois, ils vont hiverner dans ses sites où ils seront encadrés, formés et éduqués à leur future vie d’adulte.
La demande et le succès que connaît le Kankourang, depuis ses débuts, attestent de l’obligation de la collectivité mandingue de le perpétuer. Mais, dans un monde en pleine mutation, on est en droit de se demander quel sera l’avenir de ce pan de la culture mandingue. En effet, la société évolue, le peuple mandingue se renouvelle et le Kankourang demeure le témoin privilégié de ces multiples mutations.
Cette tendance à la modernité des nouvelles générations laisse planer un danger réel de voir les traditions se désagréger, voire de disparaître. Dès lors, on comprend aisément la nécessité de protéger ce patrimoine culturel immatériel de l’humanité et surtout d’assurer sa conservation efficace et sa transmission aux générations futures.
Selon le président de la commission culturelle, la Collectivité est consciente de sa responsabilité dans le maintien et la préservation de ce patrimoine et les dispositions pour garantir la continuité de la chaîne de transmission de cet héritage légué par les ancêtres. « La tradition est toujours conservée malgré les mille et une mutations qui se sont opérées. Les anciens qui sont garants de la mémoire collective du peuple mandingue, ont su garder intacts l’esprit et la lettre du Kankourang », renseigne Ibrahima Signaté.
Selon lui, les anciens qui possèdent, au plus haut niveau, les valeurs authentiques de civilisation mandingue ont joué leur partition et feront tout pour assurer la transmission et la conservation de ce legs.
La disparition du Kankourang signerait la fin de l’identité mandingue. C’est la conviction de Sadibou Dabo. « Nous sommes tenus à suivre la voie qui a été tracée par nos ancêtres. Il y a l’initiation et le symbole qui l’accompagne, les ancêtres ont tenu à ce qu’il soit préservé, conservé à Mbour. Les générations qui ont suivi se sont attachées à préserver et à transmettre cela aux plus jeunes. Malgré le problème que cela génère, les gens tiennent à ce qu’elle soit conservée parce qu’il y va de la survie de notre identité culturelle », indique le conservateur de l’espace Kankourang.
Selon lui, « une injonction a été lancée aux jeunes pour leur dire que la coutume a été préservée pour eux, donc ils ont le devoir de préserver, à leur tour, cette coutume pour les générations futures ».
Auteur d’un livre intitulé « Musique traditionnelle et civilisation orale chez les Mandingues » paru aux éditions Harmattan, M. Dabo estime que le patrimoine est oral, et que pour sa conservation, il faut publier pour éviter sa disparition.
À travers ce livre, M. Dabo veut valoriser la culture mandingue, imprégner les gens les valeurs qu’il y a derrière les supports exposés dans l’espace Kankourang. « C’est une véritable invite, un plaidoyer pour la conservation du riche patrimoine oral mandingue », soutient-il.
L’HISTOIRE DU FOOTBALL SÉNÉGALAIS RETRACÉE DANS UN OUVRAGE
Dakar, 1 er sep (APS) – L’ouvrage, ‘’L’histoire du football sénégalais, tome 1’’, s’inscrit dans le cadre d’un travail de sauvegarde de la mémoire de ce sport, a expliqué lundi à Dakar, son auteur, Daour Ndiaye.
‘’C’est un projet de sauvegarde de la mémoire de l’histoire du football sénégalais que j’ai recollé morceaux par morceaux’’, a-t-il dit lors de la cérémonie de présentation de ce livre qui retrace la naissance et l’évolution du football au Sénégal, depuis les débuts de ce sport à Saint Louis, en 1915, à l’époque coloniale, jusqu’à la fin des années soixante.
''J ai commencé à travailler d’abord sur l’histoire du football en Casamance, et puis j’ai remarqué qu’il n’y avait pas de documentation à Dakar. C’est là que j ai commencé à chercher des photos, à contacter des gens. Cela m’a entrainé dans ce projet de sauvegarde de la mémoire du football sénégalais’’, a ajouté l’auteur du livre.
L’ouvrage comporte quatre grandes parties : ‘’Les premières sociétés sportives (1919-1940) ‘’, ‘’Football, guerres et autonomie (1940-1950), ‘’Suprématie sénégalaise (1950-1960)’’, et ‘’Le football des indépendances (1960-1970)’’.
Ancien sociétaire du Casa-Sport, M. Gaye, qui a été joueur professionnel en Belgique, a affirmé que son œuvre répond aux besoins de mémoire et d’identité.
‘’Il y a une corrélation entre la mémoire et l’identité. La mémoire est centrale mais on ne s’en occupe pas souvent. C’est pourquoi ce livre va permettre aux Sénégalais d’avoir d’autres repères par rapport au football sénégalais’’, a-t-il dit.
Dans ce tome 1, Daour Gaye estime que le Sénégal, à une certaine époque, était la suprématie du football ouest-africain.
‘’Le Sénégal est un pays d’avant-garde, et je parle de suprématie sénégalaise dans ce livre en terme d’initiative et en terme de posture. En 1947 par exemple, 10 ans avant la CAF (Confédération africaine de football), le Sénégal, à travers des hommes qui se sont portés volontaires, a organisé une ligue sur toute l’Afrique Occidentale. Cela aussi met en exergue notre capacité à manager et à organiser à ce niveau’’, a-t-il défendu.
‘’Ce livre montre les valeurs qui ont poussé ces hommes à être les pionniers de l’histoire du football sénégalais’’, a noté l’auteur qui rapporte dans son livre l’époque de 1947-1960 ou ‘’des équipes sénégalaises ont remporté la plupart des coupes de l’AOF’’ alors que les autres équipes africaines ‘’jouaient les seconds rôles’’.
Le livre relate s’intéresse au football sénégalais à l’époque de la seconde guerre mondiale où ‘’il a souvent servi à collecter des fonds pour nourrir la solidarité. Des tournois étaient organisés entre des équipes militaires et- civiles, et les recettes étaient reversées à la Croix-Rouge’’, a expliqué l’auteur.
Dans le tome 2, qui n’est pas encore publié, l’auteur a promis de faire une évaluation objective de l’histoire du football sénégalais.
Pour le président de la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF), Lamine Diack, ce livre est ‘’rafraîchissant’’.
''C’est extrêmement émouvant, tous ces grands hommes que le livre évoque. Il me rappelle de bons souvenirs, il marque une page importante de l histoire du football au Sénégal entre le début du siècle et les indépendances’’, a-t-il déclaré.
De son côté, Magib Séne, un ancien journaliste a souligné la nécessité de produire une telle œuvre car selon lui, ‘’il est aberrant que nos enfants savent tout du football extérieur et ignorent tout de l’intérieur’’.
LA SAVEUR DU ''CORRIGE-DAME'' APRÈS CELLE DES CONDIMENTS NATURELS
La cuisine traditionnelle sénégalaise est souvent décrite comme la plus riche et la plus variée de l’Afrique de l’Ouest. Cependant, elle a subi des mutations suivant les années et les générations. Que reste-il des plats de cette époque considérés, par les femmes dites modernes, comme une cuisson qui a fait son temps ?
La maison des Mbaye fait partie des concessions les plus grandes de Niaga, une commune située dans le département de Rufisque. D’ailleurs, les villageois l’appellent « Chine populaire » en raison du nombre important de personnes qui vit dans ce foyer. Cette demeure à l’architecture différente de celle des bâtiments construits de part et d’autre a été léguée comme héritage.
Il est 14h 15 mn. Les membres de la famille se regroupent autour de trois bols de « tiébou dieune » ni huilé ni trop rouge, mais rempli de poissons et de légumes. Dans chaque plat, homme et femme « piochent » avec la main ou la cuillère. Faute de place sur les nattes en paille, certains ne sont même pas bien assis.
Mère Absa Dione, 76 ans, et Yaye Kane Bâ, 66 ans, sont les maîtresses de maison. Ces deux sages qui paraissent plus jeunes que leur âge, respectent toujours les normes des plats traditionnels. Et l’utilisation des bouillons dans la préparation de la cuisine est formellement interdite.
« De notre temps, tous ces épices n’existaient pas. Pour relever le goût des aliments, on y mettait du cymbium (« yet ») et du poisson sec », déclare Mme Dione.
L’EPOQUE OU ON MANGEAIT ''BEAUCOUP ET BIEN''
Dans cette maison, le « baassi salté » (couscous sénégalais à la sauce d’arachide), le « mboum » (sauce faite à base de feuilles) et le « diodd » (sauce d’igname) sont de rigueur. Selon Yaye Kane, ces plats sont cuisinés sans huile.
Pour préparer le « baassi » par exemple, il faut une bonne pâte d’arachide que l’on met dans une marmite contenant uniquement de l’eau, y ajouter soit des poissons fumés ou de la viande et du niébé. Ya Dary Diouf, une griotte sexagénaire résidant dans le même village, est témoin de l’époque où on mangeait « beaucoup et bien ».
Cette mère de famille se rappelle avec nostalgie le « natt » (un mix de poisson fumé, de « diomboss » (pastèque découpé en morceaux) ou « yombo » (courge), plus de l’arachide en poudre et du niébé).
Mais aussi du « nialang sef » (couscous sénégalais relevé avec une sauce à la pâte d’arachide, au poisson frais et sec et au niébé). Idem pour le « nialang mout » (préparé de la même manière que le riz au poisson, à la différence que le « nialang » est fait à base de céréales), le « tiéré koboss » (couscous accompagné d’une sauce à la patte d’arachide cuite avec des cacahuètes.
Ces plats étaient préparés au feu de bois dans l’objectif d’obtenir un goût meilleur. Malheureusement, se désole-t-elle, les femmes d’aujourd’hui préfèrent cuisiner avec le gaz butane pour éviter la chaleur et la fumée.
L’USAGE « ABUSIF » DES BOUILLONS
Ya Dary Diouf est d’avis que l’usage abusif des bouillons et cubes, de l’huile et autres ingrédients a favorisé l’apparition de certaines maladies qui n’étaient pas fréquentes à l’époque. Abondant dans le même sens, Coty Dièye, la soixantaine, témoigne que la cuisine d’hier n’est même pas comparable à celle d’aujourd’hui.
« Nous préparions nos plats au coin du feu, tout en prenant le temps nécessaire pour la cuisson des légumes. En plus, nous n’osions pas mettre les « corrige-dame », à savoir les cubes, bouillons et arômes », se souvient cette dame de Gandiol, une localité de Saint-Louis.
Expliquant qu’il suffisait d’avoir un bon poisson (« thiof », « beurre », « ngot »), du poisson sec et du cymbium pour réussir son « tiébou dieune ». Contrairement à l’avis de ces dames, Aminata Seck, une commerçante, soutient que la cuisine d’aujourd’hui est meilleure, car les femmes actuelles ont plus d’astuces.
« Les plats modernes sont meilleurs que ceux de l’époque, parce qu’ils sont plus savoureux et plus présentables », justifie-t- elle.
Une autre dame habitant la même maison que Aminata est du même avis. Elle va plus loin, considérant les plats traditionnels comme étant dépassés.
LE BONHEUR DE DADO
ROMAN D’ALIOUNE BADARA BèYE, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION DES ECRIVAINS DU SÉNÉGAL
Cet après-midi après la prière de vendredi, Bakar encore drapé d’un grand boubou enrichi d’un turban d’une blancheur éclatante, reçut dans ses bras sa fille Raki accourue à sa rencontre. Il était magnifique le vieux Bakar, il rappelait les Almamys conquérants des peuples païens.
- Que tu es belle ma fille ! S’exclama- t-il.
Comme un enfant Raki répondit : -Oui, je sais«baba», mais tu es plus beau que moi. Cela faisait sourire le vieux Bakar.
Sa fille ne s’était-elle vue dans la surface des eaux miroitantes ? Il continua à la serrer dans ses bras quand Raki souleva sa tête de la poitrine et fixa du regard son père.
Il comprit qu’elle voulait quelque chose et comme toujours il était prêt à la satisfaire. Elle l’entraîna dans la chambre, Dado dormait encore, il demanda à sa fille :
- Qu’es-ce qui ne va pas ?
- Paix seulement Baba, mais depuis cinq ans je n’ai pas vu Grand-mère et je voulais lui rendre visite. Elle a besoin de moi, elle espérait et rêvait de me voir grandir sous son toit, un rêve qu’elle n’a pas pu réaliser. Permet-moi de rester quelques jours avec elle. Tu sais, elle est très vieille maintenant et je sais que ma seule présence l’aiderait à reprendre goût à la vie.
- Je sais Raki mais tu vas me manquer terriblement, tu sais Thillé Boubacar est loin d’ici il te faudra beaucoup de temps pour rejoindre Thillé. Tu auras à traverser toute cette savane environnante, c’est très dangereux en cette époque où la chasse est devenue impossible avec les fauves !
- Je sais Baba, mais je ferai attention. Dans quinze jours, je serai à Saré Lamou saine et sauve. Ne me refuse pas d’aller voir grand-mère Baba !
Baba était vaincu, il souleva le menton de sa fille et ajouta : Soit fit-il ! Tu partiras demain, je vais te préparer une escorte digne de toi. Une escorte digne de tes illustres appartenances, de tes illustres ascendances.
Raki venait de gagner une nouvelle bataille. Remerciant vivement son père, elle regagna sa chambre. Elle trouva une joie immense et mettant autour de son cou l’amulette sacrée, qu’elle avait reçue à l’occasion de son baptême. Au premier chant du coq, elle était déjà debout, sa prière terminée, car elle était très pieuse, elle alla retrouver sa maman.
Bonjour Maman. Dado était envahie par la joie débordante de sa fille :
Ma fille tu es si pressée de nous quitter ? Raki confuse : c’est pour quelques jours maman !
Je sais ma fille ! C’est bien que tu penses encore à ta grand-mère. Un bon enfant doit s’occuper toujours de ses parents, mais tu seras certainement fatiguée à ton retour. Va maintenant continuer ta préparation.
Elle sortit presque en courant et se trouva nez à nez avec son père presque gêné, elle s’agenouilla :
- Bonjour Baba. Bakar tenait encore son chapelet entre ses doigts tremblants. Les perles se suivaient dans un rythme calculé. Quand la première perle reprit sa place initiale il serra fortement son chapelet entre ses deux mains et le posa sur son front en prononçant quelques phrases coraniques. Solennellement Bakar s’adressa à sa fille : Raki tu es déjà prête ?
- Pas encore Baba, j’y suis
- Cours vite ma fille. Il faudra te lever avec les rayons du soleil, cela t’évitera d’affronter tôt la chaleur !
Raki quitta son père dans un sourire enchanteur.
Les arbres amortissaient déjà les premiers rayons du jour. Le convoi de Raki était prêt. Une escorte digne d’une reine.
Des bœufs comme cadeaux ! Une dizaine de chevaux, deux courtisans pour ses prestations ! Un groupe de fidèles tenait à faire partie du voyage.
La sage Awa pour sa santé. Les « Gaolos », détenteurs des richesses culturelles, une voyante de la cour des « Lamtoro », quelques servantes pour les besoins quotidiens, tout ce beau monde était au service de la princesse de Saré Lamou.
La sécurité composée d’une vingtaine de soldats était aussi fortement représentée. Raki avait tous les honneurs d’une reine.
Les adieux durèrent quelques instants et le convoi s’ébranla porteur de richesses, d’espoirs et de rêves.
Les villages succédaient aux villages, le vol plané de l’aigle veillait sans cesse sur la marche des nuages. Raki au milieu du convoi avait à sa droite la fidèle Awa, à sa gauche une servante de son âge qui ne cessait de lui masser les pieds. De temps en temps, elle fermait les yeux, rêveuse.
L’avant et l’arrière du convoi étaient tenus par les « Mathioubés » défiant les rayons du soleil. Le beuglement des vaches déjà vaincues par la chaleur se mêlait aux hennissements des chevaux.
A chaque halte l’eau dans les peaux tannées garda sa fraîcheur. Raki était toujours la première servie suivie d’Awa puis des autres femmes après quoi la sécurité prenait sa part. On n’oubliait pas non plus les bœufs et les chevaux qui à chaque halte profitaient de l’ombre profilée des filaos.
Le voyage dura toute la journée, le crépuscule s’effaçait devant Tillé Boubacar. Raki toute excitée sortit de sa tente. Elle secoua respectueusement Awa que le sommeil commençait à gagner !
- Mame Awa, nous sommes arrivés ! La vieille Awa de dire : - Dieu merci : cela ne pouvait se passer autrement, mais avant que tes Pieds touchent le sol de Thillé, arrose ton visage de ce fluide extrait des mamelles d’une « Maye Maydo » dans l’agonie d’une tempête.
De cette mixture tu en prendras trois gorgées en commençant par « Bissimilahi » en terminant par « Alham doulilahi ». Cette pièce d’argent, tu la jetteras avant de descendre et prends bien soin de la jeter le plus loin possible. « Inchallah », tu retourneras saine et sauve à Saré Lamou.
- Je ne sais comment vous remercier Mame Awa, vous faites beaucoup pour moi avança Raki.
Ceci est mon devoir Raki. Je suis la première personne à t’avoir touchée, La première à entendre ces cris de vainqueur. J’avais prévu que tu seras un jour l’étoile du Fouta, même encore fraîche. Dans les bras de ta mère tu avais une façon particulière de pleurer.
Tu étais déjà prédite à porter le flambeau, d’un peuple, l’étendard de la gloire. Je dois beaucoup te surveiller Raki, tu n’es pas une simple jeune fille, tu as la beauté d’une déesse, la chasteté d’une lune, la pureté de l’eau bénite des lieux saints. Raki était troublée mais le convoi s’ébranla encore dans un sursaut et s’arrêta.
Visage émacié, regard hagard à certains moments, démarche chaloupée sur scène qui rappelle Saloum Dieng, précurseur du Ndaga, voix tantôt grelottante, tantôt limpide. Omar Pène traîne toujours les séquelles de sa maladie. Les stigmates étaient visibles lors de la soirée intitulée «Omar Pène : Le Retour de la légende» tenue le samedi 30 août dernier au Grand Théâtre de Dakar.
Après quelques années d'absence sur la scène musicale et douze mois de séjour à Paris pour des raisons de maladie et subissant des soins réguliers, Omar Pène, chanteur du mythique groupe Diamono, à peine arrivé à Dakar, a renoué avec la scène au Grand Théâtre de Dakar. Ne devait-il pas bénéficier de quelques jours de repos bien mérité avant de monter sur scène.
Le management a-t-il finalement cédé aux pressions déclenchées pour une opération commerciale télévisuelle? En tout cas, au Grand théâtre, on avait l'impression que l'auteur de «Soweto» bravait un supplice sur scène. Un spectacle qui a duré environ trois heures d'horloge pour quelqu'un qui a des difficultés pour se mouvoir sur scène. Même s'il a réussi à tirer son épingle du jeu avec des musiciens expérimentés et de talent et un public acquis à sa cause, le complice de Bana Ndiaye ne s'est pas éclaté sur scène. Faut-il maintenant ménager le convalescent Omar Pène, lui permettre de jouir d'un vrai repos afin qu'il retrouve ses forces, ses sensations et son allant ? En tout cas, celui qui veut aller loin, ménage sa monture. Que son entourage familial et professionnel fasse sienne cette maxime.
Pour un concert prévu à 21 heures, c'est après 23 heures que les premières notes sont distillées dans la grande salle du Grand Théâtre archicomble. Les nostalgiques du Diamono des années 90 et les inconditionnels, membres de l'Association des Fans du Super Diamono (Asfud) se sont mobilisés pour venir communier avec leur idole. Si des absences de taille sont notées dans la composition du groupe en l'occurrence Doudou Konaré, Lapa Diagne, Ousmane Sow, Omar Sow, des musiciens de talent ont accompagné l'auteur de « Soweto ». Il s'agit du virtuose de la guitare Hervé Samb (venu de Paris), Cheikh Tidiane Tall, l'un des meilleurs guitaristes de sa génération, Papis Konaté, claviste doué, Racine un autre claviste de talent, l'expérimenté Assane Ndoye dit Doungous de Yoff qui rythme les notes de sa guitare le batteur de haut niveau Jules Diop entre autres.
Ont également répondu à l'appel de Omar Pène, Youssou Ndour, Baaba Maal, Thione Seck, Ismael Lô, Kiné Lam, Soda Mama Fall, Mbaye Nder, Viviane Chidid, Yoro Ndiaye, Mame Gor Diazaka, Sidy Samb, le rappeur Fatah, le slameur Ceptik...
Ces générations d'artistes se sont relayé sur scène pour prendre part à la fête. Les rythmes cadencent la soirée avec des slogans des fans et de certains chanteurs «Omar doundel, doundel » (Omar vit, vit encore) créant ainsi une triste atmosphère de compassion alors que le leader du Super Diamono cherchait même ses mots pour dire : MERCI.
La santé de Omar Pène n'est pas au beau fixe. Sera-t-il en mesure de jouer le 6 septembre à Bargny comme des promoteurs l'ont annoncé? L'avis d'un médecin ne serait pas de trop.