C’était un jour comme les autres, à la différence que celui-ci était un moment de communion, l’occasion de décupler le patriotisme des "Lions" du football ainsi que l’enthousiasme des Sénégalais à les accompagner lors d’une de leurs campagnes africaines. Sorano, comme lors de ces occasions où le peuple agit à l’unisson, accueille les célébrités de la chanson sénégalaise. C’est dans ces circonstances que déboule sur scène la diva Khar Mbaye Madiaga pour entonner un hymne dédié au football. Ce fut l’extase dans une salle où l’on commençait à s’ennuyer. Comme toujours, Khar Mbaye Madiaga, grande cantatrice de la musique sénégalaise, sait où tirer pour galvaniser tout un peuple comme elle l’a toujours fait dans l’arène où aucun lutteur ne peut demeurer statique quand elle déroule son hymne à la bravoure.
Khar Mbaye Madiaga, un nom et toute une légende autour de cette voix qui demeure l’une des plus pures de la musique sénégalaise à l’image de sa peau à la noirceur d’ébène qui constitue son identité…
Que l’on soit intello, analphabète ou "assimilé", nul ne peut résister à la voix de cette grande dame de la musique sénégalaise dont le répertoire musical fait partie intégrante du patrimoine artistique de notre pays. En fait, il n’existe pas un seul ténor de la musique sénégalaise qui n’ait repris un morceau de son répertoire ou qui ne s’en soit inspiré.
Khar Mbaye Madiaga, Fatou Khar Mbaye à l’état civil, est en effet une source inépuisable d’inspiration. Elle allie une grâce et une légèreté exquises avec une voix d’une pureté sublime. Avec son éternel foulard négligemment posé sur la tête et qui participe à sa gestuelle ravissante, la chanteuse rufisquoise a un pouvoir unique de nous transposer dans un univers onirique où l’on peut se surprendre à avoir l’ego surdimensionné.
En même temps, on se sent fier d’appartenir à une nation ou une entité culturelle. Son pouvoir de nous redonner ce "Jomm" qui nous déserte souvent, elle l’a toujours exercé avec succès chez les lutteurs, sans que nos compatriotes aient réussi à le transposer chez les acteurs des autres disciplines sportives.
Sa mythique chanson "Kharo yalla", plus qu’un hymne à la bravoure, fouette nos consciences. L’ancien lutteur Moustapha Guèye avoue qu’entendre cette chanson, le transforme en "lion". Il fait plus que cela chez ceux qui ne sont que des spectateurs. De plus cette chanson serait, selon un jeune universitaire avec qui nous nous sommes entretenus, un appel au travail, un hymne contre la paresse ou le défaitisme.
Une chanson parmi d’autres qui exprime le même engagement et le même appel à rester soi-même et fier de ce que l’on est. C’est en vérité cela, Khar Mbaye Madiaga, une dame profondément ancrée dans les valeurs de nos terroirs.
Ayant vu le jour à Rufisque, un des foyers ardents de la vie politique, artistique et sportive du Sénégal, Khar Mbaye Madiaga n’a fait que répondre à l’appel du sang. Elle est issue d’une famille griotte, et la chanson, c’est ce qu’elle a toujours su faire, toute petite. Bien qu’elle ait hérité de ce don, cela ne l’a pas empêchée d’en apprendre les secrets chez les dépositaires de la tradition et d’en tirer la substantifique moelle qui constitue la quintessence de son répertoire d’une richesse lexicale sans égale.
La chanson, elle la pratique alors qu’elle n’avait que cinq ans. Autant dire une enfance précoce. Une époque où le Sénégal cherchait sa voie et luttait pour son indépendance avec une vie politique intense à travers les meetings et aussi les combats pour l’accession à la souveraineté internationale d’une manière générale. Elle prend part à cette lutte aux côtés de Me Lamine Guèye, le premier Président de notre Assemblée nationale, et Léopold Sédar Senghor, premier président de notre jeune République.
Des joutes politiques épiques durant lesquelles toute la richesse culturelle du pays était étalée par des griots très au fait de nos réalités et qui n’utilisaient pas leurs cordes vocales seulement pour soutirer de l’argent aux nantis, mais aussi pour galvaniser les hommes politiques en leur rappelant avec justesse leurs origines. Bien que talentueuse, Khar Mbaye était trop jeune pour chanter au micro. On était donc obligé de l’installer sur un tabouret afin qu’elle puisse faire sa prestation.
Coachée par son oncle, Babacar Mbaye Kaba, elle apprend beaucoup auprès de cet homme qui, pour l’encourager, lui disait de chanter parce qu’elle devait le faire. "Chante parce que tu dois le faire" l’encourageait-il. Qui peut résister à une telle invite, surtout si l’on est fier de ces origines ? La petite ne pouvait faire que cela et bien le faire. Et, de fait, elle l’a toujours réussi. Toujours…
Depuis toute petite, à l'occasion des "Mbappat" (séances de lutte nocturnes) dans les quartiers à Rufisque, notamment à Thiawlène et à Dangou. "À l'arène Makhary Thiam alors que Bassirou Diagne (Ndlr : l’ancien Grand Serigne de Dakar rappelé à Dieu) était seul à organiser des combats de lutte, il m'arrivait de jouer là-bas avec Fa Mbaye Diop et Diabou entre autres", disait – elle dans une interview.
Symbole de l’authenticité
"C'est le symbole de l'ancrage dans le chant originel ! Elle est la bonne synthèse des voix du Cayor et de celles des Lébous sans compter que sa carrière scénique lui a donné une discipline artistique sans commune mesure avec celle des autres ! Elle connaît le répertoire ancien mais le renouvelle sans cesse par une voix unique ! Elle est respectueuse de sa religion et des jeunes générations !", s’enthousiasme à son propos le professeur Massamba Guèye, l’un des meilleurs spécialistes de la tradition sénégalaise.
Khar Mbaye, une voix unique et inimitable. Oumar Sall, un acteur culturel convaincu, y va de ses explications en fouillant l’histoire. Il soutient avoir découvert la cantatrice à travers le son "Dounga kagn laay sey" qu’elle a interprété pour la première fois avec le "Gorom Orchestra" de Rufisque. Dans ce même groupe, poursuit Oumar Sall, il y avait aussi une certaine Yandé Codou Sène alors au sommet de son art en plus d’être la griotte attitrée de Léopold Sédar Senghor.
Deux divas au parcours et au registre exceptionnels. "Sans vouloir les opposer, à cette époque, Yandé Codou, par son talent mais aussi en étant la griotte de Senghor, "noyait" toutes les autres voix féminines. Or voilà que, dans ce son, les mélomanes découvrent une voix aussi "forte" que celle de Yandé Codou, presque masculine et posée avec un soupçon de mélancolie", renseigne Sall. Cette voix, c’était celle de Khar Mbaye Madiaga qui réussit à faire étalage de son grand talent dans un environnement presque macho.
Malgré tout, sous le charme du répertoire de cette diva atypique, des hommes n’éprouvèrent aucune gêne à reprendre son répertoire d’une beauté à vous couper le souffle. Une voix qui nous rappelle ce que nous sommes et devons être et met presque en transes l’enseignant chercheur Khadim Ndiaye. Lequel vit et enseigne au Canada :
"Ah, Khar Mbaye ! C'est une de nos grandes cantatrices qui nous rappellent que nous avons un riche patrimoine culturel. Sa voix unique, reconnaissable entre mille, apporte du baume au cœur et nous plonge dans nos traditions les plus reculées. Sa tenue vestimentaire ancrée dans le terroir, sa noirceur d'ébène, nous rappellent le Sénégal des profondeurs. Elle mérite amplement le titre d'ambassadrice et de représentante d'un grand pan de la culture sénégalaise". Les mots sont parfaits et véridiques.
Elle est tout cela, la grande diva. La cinéaste Laurence Gawron renchérit : "J’ai beaucoup d’admiration pour elle et j’avais eu envie à un moment de faire un film sur elle. Je ne suis pas une spécialiste mais je sais que c’est une vraie griotte qui connait bien l’Histoire. Elle est d’une grande beauté, dégage de la puissance de son être et de sa voix". Un timbre qui diffère de ceux des autres et qu’Oumar Sall juge unique dans sa façon de chanter.
"Je ne sais d'ailleurs pas si elle même s'en rend compte. Quand elle se met à chanter, elle a le cou abaissé. Ce qui fait sa différencie par rapport à beaucoup de chanteurs qui ont le cou allongé". Dans ce chœur presque parfait, tout le monde s’accorde à reconnaitre la beauté de la voix de Khar Mbaye Madiaga et cette tranche de feeling (mouchoir de tête mal ajusté, roulement des yeux etc.) dont elle s’enveloppe. Nous enveloppe, devrions nous dire.
Elle connait certes l’histoire de son pays, nos origines mais également les problèmes auxquels sont confrontés ses compatriotes notamment les jeunes. Qui ne se souvient pas de "Aaya bimbang" ou encore de cet hymne dédié aux jeunes et déclinée en "Xaleyi", une chronique des chômeurs et leur esprit de solidarité ? Elle ne chante pas pour chanter, la fille de Rufisque bercée par les eaux de la mer, mais déclame notre histoire, dit nos peines, nos joies et nos tourments sans jamais qu’on se lasse de cette voix pas comme les autres et jamais imitée tellement elle est unique.
"Khar Mbaye Madiaga est une grande dame qui a traversé les générations, et en qui chaque Sénégalais peut se retrouver. Ses chansons sont pleines de sens car éveillant les consciences, incitant à la réflexion et à la préservation de notre patrimoine culturel et historique. Sans oublier cette exceptionnelle beauté naturelle, qui est sa marque de fabrique", fait remarquer la nouvelle romancière Ndèye Fatou Kane auteure du livre "Le malheur de vivre". Symbole d'authenticité et de naturel, la diva de Rufisque reste un patrimoine qui se meurt tant la sauvegarde de son riche répertoire est compromise.
Identité musicale
Elle reste l’une des meilleures voix à se positionner dans le registre traditionnel sans l’altérer avec des instruments modernes. Du coup, Oumar Sall pense qu’un producteur qui ose pourrait faire beaucoup d’argent avec elle si Khar en a encore la motivation. C’est parce qu’elle est tant marquée par la déception qu’elle en est arrivée à désespérer de vivre pleinement de son art, elle qui a tout donné sans rien recevoir des autres. Notamment ceux qui ont spolié son patrimoine.
Des artistes qui reprennent son répertoire sans l’en informer ou qui le font sans y mettre le prix. Car presque tous les ténors de la musique sénégalaise ou jeunes divas modernes, à l’instar de la chanteuse Titi, ont repris ou se sont inspirés de son œuvre. Une œuvre qui constitue notre musique. Celle qui nous parle et dit qui nous sommes et qui pourrait nous rapporter plus que cette musique qu’Oumar Sall considère comme étant un patchwork dans lequel notre apport est infime, presque inexistant.
Sall dont la sentence ouvre des pistes de réflexions. Car, à l’en croire, "nous ne pouvons pas vouloir faire comme les autres car nous ne serons jamais meilleurs qu’eux alors que nous avons de quoi envahir le monde." Avec notre belle musique traditionnelle, bien sûr. Une musique qui tend à se perdre et dont des gardiens de la tradition comme Khar Mbaye Madiaga tentent tant bien que mal de lutter pour sa sauvegarde sans en avoir les moyens ni pouvoir en vivre pleinement.
Une grande dame incarnant la vieille génération dont les jeunes doivent s’inspirer pour faire jonction entre tradition et modernité. Là où pourrait résider tout le charme d’une musique hybride qui se cherche une identité et dont Khar Mbaye Madiaga est l’une des plus grandes dépositaires.
DANS LA VIE COMME DANS UNE CLASSE AVEC LES JEUX TRADITIONNELS
Pour qui veut connaître les sports typiquement sénégalais, le Centre national d’éducation populaire et sportive (Cneps) de Thiès est le lieu indiqué. Dans cette structure, des efforts ont été consentis pour réhabiliter et promouvoir nos jeux traditionnels qui, au même titre que ceux modernes, peuvent contribuer au développement physique, intellectuel et moral des jeunes.
Si des résultats appréciables sont, aujourd’hui, enregistrés, le mérite en revient à un collectif de pédagogues qui a travaillé au recensement, puis à la codification de disciplines éducatives et sportives locales. Dans la foulée, ont-ils manifesté leur volonté de sauvegarder notre patrimoine culturel.
A partir d’observations faites sur le terrain, ils ont constaté que nos enfants ont délaissé nos jeux traditionnels, ne s’intéressant qu’aux activités physiques modernes à caractère sportif.
Alors, ils ont tiré la sonnette d’alarme pour signifier à tous qu’au rythme où vont les choses, ces jeux bien de chez nous vont disparaître, en dépit de leur valeur éducative.
Un recensement a plaidé l’utilité d’intégrer les jeux traditionnels dans les séances d’éducation physique et sportive et des activités socio-éducatives. Sur 300 jeux recensés, les 70 ont fait l’objet d’une brochure éditée.
Ce document permet de découvrir un ensemble de valeurs morales spécifiquement sénégalaises et de répondre à une préoccupation essentielle de notre système d’enseignement : promouvoir une éducation prenant sa source dans les réalités du milieu et aspirant à l’épanouissement de nos valeurs traditionnelles.
C’est par là que passe le respect de notre culture, laquelle doit être arrosée d’une bonne eau pour connaître une croissance adéquate et donner des fruits agréables qui puissent nourrir correctement tous les jeunes du pays. Aujourd’hui, la vulgarisation de ces pratiques sportives en milieu scolaire fait douter beaucoup de personnes.
Celles- ci s’interrogent : pourquoi « exhumer » les jeux traditionnels alors que les exigences des compétitions du haut niveau nous interpellent ?
Beaucoup d’autres Sénégalais sont d’avis qu’en intégrant les jeux traditionnels aux activités physiques et sportives, on ne cherche ni à dénigrer ni à supprimer les jeux fédéraux, mais on travaille à leur apporter un complément. D’ailleurs, selon des spécialistes, certains jeux traditionnels sont préparatoires aux activités physiques modernes à caractère sportif.
Les pédagogues ont trouvé, depuis longtemps, que les jeux occupent une place importante dans le développement moral et intellectuel des enfants. Sans doute, il va falloir moderniser, codifier ces jeux, motiver les pratiquants. Que n’a-t-on pas dit, depuis quelques années, sur le comportement des jeunes ?
Ils ne respectent plus les vieux, ils sont impatients, ils manquent d’humilité, de maîtrise de soi. On peut allonger cette liste. On spécule beaucoup sur les raisons de la déperdition de certaines de nos valeurs fondamentales. On accuse les parents, l’Etat, l’argent, la pauvreté. Ce ne sont certainement pas les raisons.
Le Kuppé et les autres
Parmi les jeux traditionnels qui continuent à être pratiqués dans quelques rares localités de notre pays, le «kuppe » demeure le plus populaire. A Louga, dans les années 1980, les tournois organisés pendant les vacances scolaires attiraient les foules d’où émergeaient les jeunes filles.
C’est d’ailleurs elles qui le pratiquaient. Les Lougatois l’avaient modernisé. Les règlements du jeu avaient été quelque peu modifiés, privilégiant le côté sportif. Au lieu de la balle au chiffon, on utilisait une balle de tennis ou de hand ball. Les vainqueurs recevaient des trophées.
Deux équipes de 11 personnes chacune se mettaient sur un terrain déterminé. Une joueuse d’un camp engageait. Il s’agissait, pour elle, de lancer la balle et de traverser le terrain en courant pour rejoindre la ligne de but sans se faire toucher par les tirs de balle de l’équipe adverse.
Si elle parvenait, elle marquait un point pour son équipe. Si elle était « touchée », les rôles étaient inversés. Et c’est une joueuse de l’autre camp qui engageait.
A la fin du temps réglementaire, l’équipe qui marquait le plus de points remporte la victoire. A l’origine, les vainqueurs montaient sur le dos des vaincus. Les premiers se mettaient en cercle en se faisant des passes. Ils ne descendaient que lorsque la balle touchait le sol à cause d’une maladresse. A Louga, le jeu enseignait aux enfants, humilité et adresse.
Courage, résistance et sens de la solidarité
S’agissant du « gartombé », un cercle était tracé. A l’intérieur, un groupe. Un autre groupe était dehors. Celui du dehors tentait, toute violence exclue, de sortir du cercle les adversaires par la force. Si un élément isolé de l’intérieur était attaqué, se formait une véritable chaîne de solidarité. On se soutenait par la taille. Chaque équipe tirait de son côté.
Tout joueur du camp de l’intérieur qui sortait du cercle était éliminé et ainsi de suite. C’est un jeu de courage, de résistance et de sens de la solidarité. Pour le « kool », il s’agissait de prendre un morceau de bois et de le jeter dans l’obscurité, le jeu étant nocturne.
Le groupe se mettait à la recherche de l’objet. Le maître du jeu, c’est-à-dire celui qui avait lancé le morceau de bois, attendait sur place. Celui qui ramassait l’objet usait de plusieurs subterfuges pour ne pas être repéré.
Si c’était le cas, tous les autres se jetaient sur lui pour lui arracher le morceau de bois. Si par contre, il parvenait à donner l’objet au maître du jeu, il gagnait une manche.
Celui qui gagnait trois manches était déclaré vainqueur. Il devait monter alors sur le dos des autres. L’objectif est d’enseigner à l’enfant la subtilité, l’endurance, le goût de la recherche. Plusieurs autres jeux ont survécu à la colonisation dans notre pays. Il s’agit du « dialbi dialan » qui enseigne l’humilité, du « koti koti yolli yolli » qui véhicule l’obéissance.
ANECDOTE
Le colon, le « jeu barbare » et les fondements de la tolérance..
La scène se serait passée dans un village du Ndiambour, il y a de cela plus de soixante-dix ans. Un administrateur blanc de la colonie arrive dans une école de brousse au moment de la récréation. Les petits élèves jouaient un jeu inconnu de l’étranger. Alors, il s’est adressé à un enseignant noir debout devant sa classe : « Quel est ce jeu barbare ? Ne vous a-t-on pas appris des jeux plus civilisés ? ».
Très calme, l’enseignant expliqua à l’intrus que ce jeu n’avait rien de barbare. Au contraire ! Les élèves jouaient le « kabati kabati ».
De quoi s’agit-il ? Un grand cercle est formé généralement avec 10 couples de garçons. Les uns montent à califourchon sur les autres. Un garçon dont les yeux sont bandés se met au milieu du cercle. Un couple s’avance, le touche et rejoint sa place.
On enlève le bandeau de l’enfant du milieu du cercle. Le jeu consiste à désigner le couple qui l’a touché. Ce jeu aide à éveiller chez l’enfant son 6e sens.
Cette histoire est racontée par plusieurs personnes au Sénégal. Il n’est pas possible de vérifier son bien fondé. S’agit-il d’une légende comme il en existe des milliers dans notre pays ? Là, n’est pas la question.
En tout cas, dans sa volonté de nier toute culture africaine, le colonisateur a tenté d’effacer de la mémoire des Africains les jeux traditionnels. Dans ce domaine, il a même failli réussir. Bien de jeunes Sénégalais, surtout ceux des villes, sont aujourd’hui incapables de citer cinq (5) jeux traditionnels.
Sauf à Louga, seuls des quinquagénaires sont, ailleurs, capables d’énumérer des jeux traditionnels qu’ils ont pratiqués à leur jeunesse. « Dans les années 1980, des jeux étaient inscrits dans les programmes des activités de vacances dans la capitale du Ndiambour », se rappelle Mamadou Amath, à l’époque chef du bureau régional de l’Agence de presse sénégalaise à Louga. Selon lui, le « kuppe » était obligatoire pour les associations sportives et culturelles (Asc).
A-t-on suffisamment insisté sur la quasi disparition d’une multitude de jeux d’enfants et d’adolescents que pratiquaient nos pères et mères ? A y voir de près, ces jeux sont de véritables écoles de tolérance, d’humilité, de respect d’autrui, de sens de l’effort, de la maîtrise de l’émotivité. Ils permettaient aussi d’acquérir le courage, l’assurance, le sens communautaire, l’esprit d’équipe et la subtilité.
La maintenance d’une bonne condition physique était loin d’être négligée. D’où viennent cette souplesse et cette agilité que les autres races nous envient ?
Le leader du Super Diamono revient au-devant de la scène après une absence de plus d’une année. En effet, après avoir célébré avec faste ses quarante années de musique en 2012, Omar Pène s’était rendu en France pour se soigner. Affaibli par le diabète et un rythme de travail effréné, il était obligé d’observer un long "break" pour se remettre sur pied. Une absence qui a suscité de nombreuses rumeurs. Tantôt, on a parlé d’une amputation de sa jambe et tantôt, on a annoncé la mort de l’artiste. Pour couper court aux supputations, celui que ses fans surnomment affectueusement "Baay Pène" a donc choisi de se produire au Grand Théâtre. C’est ainsi que, samedi prochain, au grand bonheur de ses innombrables fans, il enflammera la scène de ce temple de la musique sénégalaise après avoir animé un concert à Paris au début de ce mois d’août. Retour sur le parcours prodigieux de ce grand monsieur de la chanson populaire sénégalaise.
Omar Pène arpente les scènes d’ici et d’ailleurs depuis plus de quatre décennies. En effet, c’est en 1973 qu’il a commencé à chanter. Issu d’une famille polygame, il a dû fuir très tôt le domicile paternel situé à Pikine pour vivre dans la rue à Derklé.
Excellent footballeur, il a longtemps joué au coté de "Big Boy", l’ancien international du Jaraaf de Dakar. Il avait aussi une belle voix et il a longtemps hésité avant de choisir la musique au détriment du football.
Découvert par le bassiste Baïlo Diagne qui l’a longtemps couvé et encadré au "Kadd Orchestra", il a par la suite gravi rapidement les échelons au sein du Super Diamono.
Ce groupe qui était très populaire au début des années 70, était considéré comme avant-gardiste et un peu révolutionnaire sur les bords. Il a été le premier à introduire carrément le "sabar" dans sa musique à travers le percutant Aziz Seck.
Adama Faye, qui officiait à la guitare et à l’orgue, a aussi grandement contribué à écrire les plus belles pages de ce groupe. Le regretté chanteur Pape Mboup avait réussi à populariser le Super Diamono avec le fameux titre "Dépense".
Omar Pène, qui était le benjamin du groupe, a vite fait de prendre ses marques. En 1975, l’auteur de "Woudiou Yaye" réussit la prouesse de charmer tout le Sénégal avec le tube "Adama Ndiaye".
Il ne s’arrêtera pas en si bon chemin et commettra des titres d’anthologie comme "Ndanane", "Gouné", "Kagne laye Sèye", "Madiara", "Say-Say", "Yaye Boye", "Banna" (en hommage à son épouse), "Nila" etc.
Par la suite, le Diamono connaitra de nombreux départs et arrivées mais Oumar Pène, lui, est resté toujours fidèle à cette formation musicale.
Des artistes comme Ismaël Lo, Mamadou Lamine Maiga, Moussa Ngom, Pape Dieng, Ibou Konaté, Lamine Faye, Sellé Thiam, Pape Basse, Amadou Baye Diagne, Ousmane Sow, Laye Sarr, l’Anglais Kevin, El Hadji Malick, Mame Diarra Guèye, Dieynaba Kouyaté, Lappa Diagne, Bob Sène, Abdou Mbacké, Alassane Djigo, Elou Fall, Thio Mbaye, Pape Ndiaye Gueweul, Mada Ba, Babacar Dieng, Doudou Konaré, Oumar Sow et tant d’autres ont effectué des passages remarqués au Super Diamono.
C’est en 1992 que le groupe a connu sa plus grande saignée avec les départs de Lamine Faye et de l’ensemble des saxophonistes du groupe. Contraint de poursuivre l’aventure, Omar Pène devient seul maître à bord et lance le Diamono New Look.
Il continue d’entretenir la flamme et de combler ses milliers de fans. Avec la mythique formation du Super Diamono qui est très performante sur scène, Omar Pène et ses musiciens, surnommés les "Seigneurs du live", ont encore une fois l’occasion de ravir le public ce samedi.
La soirée sera d’autant plus belle que le principal intéressé veut en faire une fête de la musique-bis. Il aura pour invité d’honneur Youssou Ndour et l’ensemble des grands musiciens de ce pays. La jeune génération aussi ne sera pas en reste.
Ce retour tant attendu devra encore une fois permettre à Omar Pène de revisiter son fabuleux répertoire au grand bonheur de inconditionnels de l’éternel Diamono. Que la fête soit belle !
Le kankourang démarre dans la capitale de la Petite Côte, ce dimanche. La ville, comme chaque année, va vivre pendant trois mois au rythme de la fête de la circoncision chez les Mandingues. Cette année, des centaines de circoncis vont être initiés. Ils vont passer dans le couloir “des hommes”. Du folklore, à la tradition, en passant par le faste économique et le libertinage sexuel, Mbour sera en ébullition.
La ville de Mbour va être ce dimanche matin le lieu de convergence de centaines de jeunes. Plus précisément au quartier Santessou qui accueille le “leul” ou rite des initiés de la collectivité mandingue. Ils se regroupent pour le “diambadon” ou la danse des feuilles.
Vêtues d’accoutrements traditionnels, les femmes vont danser au rythme du tam-tam. Les hommes déjà initiés vont accompagner les circoncis.
On les appelle “selbés”. Il y a trois catégories : les “selbés tioutie” sont les plus jeunes, il y a les adultes et les anciens qui sont les gardiens du temple. Ces derniers sont les dépositaires des pouvoirs mystiques. Ils gardent jalousement la tradition.
Dans le département, 6 sites sont autorisés à organiser le kankourang. Il y a les localités à forte communauté mandingue que sont Santessou, Diamaguène, Tiocé, Weika et le village de Mboulème (dans la communauté rural de Malikounda).
A côté du kankourang qui marque la circoncision, il y a le nianka, un rite qui accompagne l’excision. Seulement, avec l’interdiction de cette pratique, “les femmes vont partir à la mer pour se laver et revenir.
Sur le chemin du retour, elles passeront à la préfecture pour saluer le préfet. Elles vont aussi partir au commissariat urbain, parce que dans la tradition mandingue, le respect des ainés et de l’autorité est une loi”, selon le commissaire de la police à la retraite Kadialy Seydi.
“Même si le fond reste mandingue, le kankourang est devenu un patrimoine mbourois, voire mondial. Donc, nous avons la responsabilité de la conservation de la coutume. Nous sommes tous du troisième âge. Nous avons l’obligation de la conserver et de la léguer aux générations futures”, dit Mamadou Diaboula, ancien gouverneur et membre du comité des sages. La culture du kankourang est inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco.
Une période des bonnes affaires
Avec la période du kankourang, c’est tout une économie qui prend son envol. Les filles se ruent littéralement vers les vendeurs de tenues vestimentaires, avec une préférence pour les habits qui mettent en valeur leurs formes, en préparation des futures nuits blanches.
Au marché central, le constat est fait. La clientèle a augmenté, si on en croit croire Djibril Sy, un vendeur de prêt-à-porter. “Cette période nous permet de nous remplir les poche. Filles comme garçons achètent de nouveaux vêtements. Les hommes aiment les vêtements de couleur, des près du corps”, dit-il.
Un peu plus loin, son collègue Idy Mbaye s’échine à attirer la clientèle, par des applaudissements et des chansonnettes. Il ne vend que des articles pour filles : minijupes, bas, jeans serrés, hauts et chaussures. “Chaque jour, je vends plus d’articles qu’auparavant”, se félicite-t-il.
Il n’y a pas que les marchands d’habits qui tirent leur épingle du jeu. Les fast-foods et les boutiques en tirent aussi profit. Assane, un boutiquier, témoigne : “au mois de septembre, nous différons nos heures de fermeture, parce que les jeunes veillent jusqu’au petit matin, chaque samedi, durant toute la période du kankourang. Nos chiffres d’affaires augmentent”.
Les fast-foods ne sont pas en reste. Dans ces lieux de dégustation, le constat est le même, le kankourang est la période des bonnes affaires. En veillant tard la nuit, les hordes de jeunes gagnés par la faim prennent d’assaut les fast-foods. En à croire Aloyse Ndiaye, un gérant de fast-food, “les jeunes achètent pour la plupart des fataya, de la boisson et des sandwichs”.
EFFETS PERVERS DU KANKOURANG
Une insécurité qui commence à inquiéter
Avec le kankourang, c’est un monde fou qui suit les initiés. Ils sillonnent la ville jusqu’au petit matin. Cela n’est pas sans conséquences, car on note de plus en plus des cas d’insécurité. Dans la plupart des cas, c’est le fait des accompagnateurs ou des selbés.
Cheikhou Dabo, secrétaire exécutif de la collectivité mandingue met en garde. “Il y a des gens qui fument du chanvre ou qui boivent de l’alcool et viennent causer des problèmes, en commettant des actes interdits par la loi. C’est dommage que des initiés s’en prennent aux populations. Mais nous lançons un avertissement à tous les membres de la communauté mandingue, pour leur signifier que nous ne protègerons pas quiconque commet un acte délictuel répréhensible par la loi”.
Cheikhou Dabo veut éviter que les incidents de l’année dernière se reproduisent. En effet, la précédente circoncision avait enregistré deux blessés par arme à feu causés par un gendarme qui se sentait menacé par des membres de la communauté mandingue.
Pour éviter que pareille situation ne se reproduise, un comité de veille a été créé. Il est dirigé par Kadialy Seydi, un ancien commissaire. Cette année, chacun des 6 kankourang va être accompagné par d’anciens policiers ou gendarmes appartenant à la collectivité mandingue.
Ils vont encadrer les jeunes pour éviter les dérapages. Chaque mardi, une rencontre d’évaluation va être faite avec le commissaire de la police centrale. Une autre mesure est en train d’être discutée par le comité des sages.
C’est de faire limiter le kankourang aux quartiers traditionnels des Mandingues. Mais cette mesure risque de ne pas prospérer, car le limiter à ces quartiers va causer un préjudice économique énorme à l’écrasante majorité de la population qui en tire profit.
Seulement, il faut reconnaitre qu’on note des cas de provocation du côté des spectateurs qui profèrent des paroles discourtoises à l’endroit du kankourang.
Libertinage sexuel
Pendant les trois mois de la période de circoncision et les sorties périodiques du kankourang, il n’est pas rare de rencontrer des préservatifs utilisés dans les rues, au petit matin. Ceci traduit une réalité passée sous silence : le libertinage sexuel.
Pendant cette période faste, les pharmacies et les boutiques de quartiers qui en vendent ne désemplissent pas. Les comprimés anti grossesses connaissent également un succès fou.
Les filles averties en usent et en abusent, comme du reste elles font avec le sexe. D’autres préfèrent un planning afin d’éviter les grossesses non désirées.
L’année dernière, 7500 préservatifs ont été distribués pour lutter contre les grossesses et les maladies sexuellement transmissibles.
“Bébé kankourang”
Mais, toutes ces précautions n’empêchent pas les conséquences d’être visibles, avec des grossesses à la chaîne. Les enfants nés de ces relations sont d’ailleurs appelés “bébés kankourang”.
Ils sont tellement nombreux qu’ils risquent de devenir plus représentatifs au sein de la communauté.
“Si des jeunes de sexes différents restent en ambiance jusqu’au petit matin, il est fort probable qu’il y ait des jeux de jambes en l’air. Donc, au lendemain de cet évènement, c’est assez normal de voir des filles en grossesse”, déclare une dame, la quarantaine révolue.
Seulement, des jeunes franchissent le Rubicon jusqu’à entretenir des rapports charnels dans les rues à des heures tardives.
“L’année dernière, en allant chez moi, au quartier zones Sonatel, j’ai aperçu plus de 4 couples en train de faire l’amour dans les rues, aux environs de 4h matin”, témoigne Samba Ndiaye.
Les bâtiments en construction ne sont pas en reste. Toujours est-il que les gens viennent de partout, Thiès, Kaolack, Dakar etc., pour les besoins de ces cérémonies.
LE BONHEUR DE DADO
ROMAN D’ALIOUNE BADARA BÈYE, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION DES ECRIVAINS DU SÉNÉGAL
La vie reprenait son allure quotidienne à Saré Lamou la défaite de Bodiel n’est pas entièrement consommée mais la victoire de Dado était maintenant presque certaine. Elle était redevenue ce qu’elle ne devrait jamais cesser d’être : l’astre au zénith brillant au firmament des cieux nus.
Les années passèrent rapidement. Les deux filles grandissaient ensemble, leur différence d’âge ne se faisait plus sentir car Raki était précoce et surtout radieuse. Sa beauté était chaste et pure.
A quinze ans sa grâce était sans égale. De Saré Lamou à Ronkh de Pathé Badio à Ndiawar elle était devenue l’astre rare destiné à fleurir le « Bépar Gorom ». Elle était d’une beauté presque insolente
Les princes du Fouta, les Braks du Oualo, jusqu’au « Teigne » du Baol. Les messages des cours ne cessaient de van- ter les futures promesses de cette étoile.
Les germes de beauté ne trompent guère, elles surgissent des ongles des pieds au creux des oreilles, elles façonnent le verbe chatoyant, capable d’endormir le lion en furie.
Raki n’était pas de la race des roses d’un soleil, elle portait sur ses épaules le poids de tout un peuple, la largesse infinie des fantômes divins. Dado était peinée d’avoir une si belle fille, elle reflète l’image d’un pur-sang à l’allure seigneuriale. Elle rappelait les divinités de la Grèce antique, l’Egypte sous le règne de Toutankhammon. Elle rappelait Salammbô dans le temple de Tanit ou dans les jardins de Megara.
Raki était un alliage d’étain et de cuivre, d’or et d’argent. Raki détenait dans son corps la peau chaire des Ethiopiennes, la grandeur des Signares, l’éloquence des princesses du Cayor, la beauté des Peulhs du Massina. Elle était vraiment belle, de ces beautés qui naissent une fois par siècle.
Oulèye Dona avait dix sept ans main- tenant. De deux ans l’aînée de Raki, mais son effacement était total. Son visage était tacheté : séquelle d’une maladie enfantine qui ne cessait de se manifester au fil des années.
Elle n’attirait l’attention de personne, sa laideur était devenue un fait sans équivoque. Elle était ronde et sans grâce, les points noirs sur son visage rendaient sa vue presque sombre. Seuls quelques vieux « torrodos » dépassant presque la cinquantaine faisaient attention à elle.
Elle ne pouvait prétendre aux jeunes Princes du Fouta, encore moins aux « Braks » du Oualo terre de Raki était une pleine lune dans son onde cristalline, Oulèye un éclair fugitif dans un ciel de septembre.
La beauté de Raki avait atteint les frontières du pays. Elle faisait peur au vieux Bakar qui commençait à sentir les poids des années d’épreuves. Il s’inquiéta beaucoup de l’avenir de ce bijou qui éclairait tout le Fouta. Ce bijou dont il était fier d’être l’artisan.
Sous l’ombre de l’arbre à palabres il méditait le rêve de l’enfant sous le sein de sa mère. Il méditait le retour de l’oiseau égaré dans le crépuscule d’un soir,
il méditait le sort de la rose d’un jour ensoleillé. Le sommeil gagnait son corps chaque fois qu’il était bercé par les feuillages de cet arbre dépositaire des confidences anciennes.
Il se réveillait chaque fois, qu’il était envahi par l’amertume d’un certain jour qui viendrait prochainement frapper à sa porte, il se réveillait chaque fois qu’il pensait aux amours juvéniles, aux jeux des enfants insouciants, pêchant les carpes dans le reste des eaux hivernales.
Une vague de satisfaction l’envahissait chaque fois qu’il apercevait de son village les femmes dans les champs de maïs, les calebasses pleines, les fagots de paille sur le dos des ânes.
Il souriait presque chaque fois qu’il voyait les paysans du delta débarrasser l’arachide nourricière de ses panes. Il était rassuré par les richesses de son terroir.
Le Fouta ne sentira jamais la faim encore moins la misère. Il tombait dans la mélancolie chaque fois que la providence de la pluie se faisait rare. La crainte des sécheresses futures, l’oubli de la terre des aïeux, semaient parfois la hantise dans l’esprit du vieux Bakar. beauté, royaume des éclatantes victoires dans les champs de bataille.
Ce complexe abrita son corps et gêna sérieusement sa mère qui ne pouvait encore accepter ce coup du sort.
Pourquoi sa fille était laide ?
Elle méditait pendant plusieurs années, l’enfance difficile de Oulèye, elle était respectée parce qu’elle était noble, mais n’était pas choyée, elle n’était pas aussi convoitée comme la fille de Dado qui était devenue la seule langue des ambitions nouvelles. Le contraste était trop grand entre Raki et Oulèye.
Raki représentait l’océan aux vagues inépuisables. Oulèye un marigot asséché, refuge de quelques restes hivernales.
UN TALENT PROMETTEUR AU SERVICE DU DOCUMENTAIRE SÉNÉGALAIS
Elle était partie pour faire la coiffure. Kady Diédhiou, après une brève formation en cinéma, fait partie désormais des jeunes talents du 7e art sénégalais. Déjà primée au festival Image et Vie en 2006 pour son court métrage fiction, Saly, elle représentera le Sénégal à l’édition 2014 du festival Clap Ivoire, qui s’ouvre lundi prochain à Abidjan. Rencontrée hier à la direction de la Cinématographie, la jeune réalisatrice dont le documentaire Guinaw Rails (derriere les rails) a été sélectionné pour les besoins de cette messe du cinéma sous-régional, se laisse découvrir.
Elle est toute simple. Sans artifice et sans manie des jeunes filles de son âge. Kady Diédhiou, la trentaine révolue, est une jeune réalisatrice récemment sélectionnée pour l’édition 2014 du Clap Ivoire qui s’ouvrira lundi 1er septembre prochain à Abidjan.
Pour ce baptême du feu dans un festival de dimension sous-régionale, Kady ne semble pas impressionnée. Elle garde la tête sur les épaules, tout en confiant sa fierté de représenter son pays en Côte d’Ivoire où seront présents de jeunes réalisateurs de tous les pays membres de la Cedeao.
«Clap Ivoire sera ma première participation à une rencontre sous- régionale en tant que réalisatrice. Je suis très contente et honorée de pouvoir aller représenter mon pays le Sénégal à ce festival. Je pars à la découverte», affirme la jeune fille avec un sourire qui atteste de sa fierté.
Une joie qui pourrait s’expliquer par le fait que rien ne prédestinait Kady Diédhiou à ce parcours élogieux.
En effet, il y a quelques années encore, Kady Diedhiou était loin de s’imaginer qu’elle allait représenter son pays pour les besoins du 7e art. C’est en effet en 2005 que par pur hasard, elle entame son aventure avec le cinéma.
«Quand je quittais mon village pour Dakar, j’étais censé aller faire une formation en coiffure. Il y avait un centre qui s’appelait Reac’film et qui était basé à Thiaroye Gare. Ce centre formait les jeunes dans divers métiers : la teinture, la poterie... Et comme je n’avais pas encore trouvé d’école de coiffure, j’y allais avec une cousine. Puis au bout de quelques mois, une réalisatrice finlandaise était passée nous donner une petite formation de trois mois en cinéma. Jai été sélectionnée pour suivre cette formation. Ce fut ma rencontre avec le cinéma», narre la jeune réalisatrice.
Depuis lors, elle a pris goût et a voulu continuer son expérience dans le milieu du 7e art. Pour cela, Kady s’arme de courage et d’abnégation, fréquentant les acteurs du secteur du cinéma et profitant des expériences diverses.
En 2008, sa rencontre avec Ciné Banlieue lui permis d’ailleurs de travailler avec d’autres amis et connaissances, mais surtout d’écrire des projets de films. Ensemble, ils réalisèrent plusieurs projets collectifs.
Guinaw rails, une ouverture sur l’Afrique
Cette jeune réalisatrice, pleine de bonne volonté, a déjà séduit ses pairs sur le plan national avec son court métrage fiction titré Saly. En effet, en 2006, ce film qu’elle a réalisé après trois mois de formation au Reac’Film a reçu le prix du jeune public au festival Image et Vie. D’autres distinctions suivront pour cette même réalisation, notamment en Norvège puis en Finlande.
Pour le Clap Ivoir, Kady présente un documentaire baptisé Guinaw rails, (derrière les rails). Il s’agit d’un film qui raconte l’histoire d’une dame : «Dior Lèye qui se lève tous les jours à 5h du matin, traversant les rues sombres et obscures de son quartier insécurisé et l’imposante autoroute à péage qui comme un barrage le sépare de la Route nationale pour aller au marché central du poisson. N’ayant aucun soutien y compris de son mari qui n’a jamais travaillé, Dior fait vivre sa famille grâce à son petit commerce de poisson qu’elle revend dans son quartier et ce depuis plus de 30 ans.»
Ce film, qui a été choisi «pour l’intensité de sa trame narrative, ses qualités artistiques et techniques», permettra à Kady de défendre les couleurs de son pays au Clap Ivoire 2014. Pour la jeune réalisatrice, le contenu de ce documentaire présente un modèle, un exemple à la jeune génération.
«La dame, qui est au centre de l’histoire racontée, est un modèle pour les femmes et pour la société. Car certaines femmes pensent que ce sont les hommes qui doivent subvenir aux besoins de la famille», commente Mme Kady Diédhiou qui dit ne pas se faire trop de fixation sur les récompenses du Clap Ivoire.
En attendant Songo
«J’aime les surprises. Et je vis les choses telles qu’elles m’arrivent. Je vais d’abord au Clap Ivoire pour faire des découvertes et apprendre de mes pairs. Je vais voir d’autres films et d’autres jeunes réalisateurs africains. Cela me permettra de m’améliorer. S’il y a un prix, c’est tant mieux», dit-elle lorsqu’on l’interpelle sur ses attentes. En réalité, de retour du Clap Ivoire, Kady Diédhiou a encore un projet filmique à finaliser. Cela lui tient à cœur.
Elle confesse : «Je travaille actuellement sur un documentaire de 52 minutes avec la maison de production française, Les films de l’Atelier. Ce sera une coproduction. C’est un projet sur lequel je travaille depuis trois ans. Le film raconte l’histoire d’un toxicomane, une personne qui a eu des difficultés avec la drogue et les maladies mentales et qui aujourd’hui veut une reconnaissance sociale à travers sa musique, parce qu’il est devenu un artiste et a abandonné la drogue.»
Ce documentaire de 52 minutes, Kady compte le finaliser pour le mois de décembre prochain. Le titre provisoire est Songo. En attendant, elle va à son rythme et veut continuer à apprendre. Celle qui penche beaucoup plus pour les films documentaires que les fictions dit vouloir beaucoup appendre des autres.
«J’ai commencé à faire des fictions. Mais le documentaire sur lequel je travaille actuellement et dont le titre provisoire est Songo, m’a permis de me rendre compte que je me sensplus à l’aise en documentaire. Aujourd’hui, je me rends compte que le documentaire est plus proche de la réalité. Et cela me permet d’être plus proche des gens. Je me sens mieux avec le documentaire», confie-t-elle avant de s’éclipser à pas de lionne.
Sûrement une façon de nous revenir professionnellement plus grande.
Mamadou Ndiaye est l’auteur de la série télévisée Ismael le gaffeur, primé au Fespaco 2011. Sélectionné au Clap Ivoire 2014 pour son court- métrage de fiction«Maintenant virtuellement familial» il confie ses impressions à quelques heures de l’ouverture officielle de ce festival qui se tiendra à Abidjan du 1er au 5 septembre prochain.
A trois jours du lancement de l’édition 2014, comment préparez-vous votre participation ?
Je la prépare avec calme et beaucoup de sérénité. Nous espérons y aller dans la paix et revenir en paix.
Avez-vous déjà participé auparavant à des festivals de ce genre et avez-vous reçu des distinctions ?
Oui ! Je suis déjà aller au Fespaco en compétition avec la série Ismaela Le Gaffeur (Ismaïla Ndiaxum) et j’ai obtenu le prix de la meilleure série télévisée. C’était au Fespaco 2011. Il y a eu d’autres distinctions qui ont suivi dans d’autres festivals comme Vues d’Afrique, le festival de films africains de Charleroi en Belgique et bien d’autres.
Pour ce qui est de mes autres réalisations, elles ont eu beaucoup plus d’échos favorables auprès des télévisions. J’ai déjà réalisé deux courts métrages fictions, un court métrage documentaire, un moyen métrage documentaire et puis la série télévisée qui fait environ 40 épisodes.
Entre fiction et documentaire, dans quelle catégorie vous vous sentez plus à l’aise ?
Dans les deux catégories. Tout dépend de l’inspiration et du thème que je veux développer, de l’approche que je veux emprunter. Mais je suis à l’aise dans tous les genres. Je ne me fais pas de fixation, ni m’inscrire dans un certain carcan. J’écoute et je ressors ce que j’ai dans le ventre comme on dit. Je ne m’inscris pas dans un genre particulier.
Vous êtes sélectionné au Clap Ivoire pour l’un de vos films de fiction. Cette réalisation traite de quoi ?
Ce film porte sur cette forte révolution que nous vivons en ce moment. Cette révolution qu’est le numérique pour ne pas dire les Nouvelles technologies de l’information et de la communication (Ntic). C’est un film qui nous permet de nous interroger, de poser des questions sur ce que nous vivons aujourd’hui. De plus en plus au sein de nos sociétés, nous développons des habitudes qui nous transforment et nous métamorphosent individuellement.
L’homme entretient un autre type de rapport avec les nouveaux appareils que nous utilisons et qu’on appelle technologie. A travers la famille qui est le socle de notre société, j’essaie d’étudier ce phénomène, cet impact que les Ntic ont sur nos habitudes, sur notre vie quotidienne. Je m’interroge sur quel type de monstre, d’individu sommes- nous en train de fabriquer actuellement ?
Quel type de société, sommes-nous en train de construire ? Cette fiction d’environ 13 minutes est titrée : « Maintenant, virtuellement familial.»
Je fais un jeu de mots sur le titre parce que ces nouveaux appareils, qui impactent sur notre vie, sont habituellement tenus entre les mains : les claviers des ordinateurs, les téléphones, les ipad... «Maintenant» pour faire allusion aux mains qui tiennent, mais aussi «Maintenant», pour renvoyer à notre époque, pour dire c’est ce qui se passe actuellement. «Main-te-nant, virtuellement familial», parce que surtout, c’est la famille comme je l’ai dit qui est le socle de la société.
Je braque la caméra sur une famille pour montrer ce dont je parle. Mais cela concerne toute la société. Car la société, c’est la somme des familles. Dans le film, la famille est là dans le salon sans être là, mais avec les conséquences qui s’en suivent : manque d’éducation des enfants, absence d’autorité, manque d’épanouissement, de communication dans les foyers...
Le film est-il déjà projeté en public ?
Pour la première fois que ce film a été projeté dans le cadre du festival de Cortos Rek, on a eu le prix Mobi-ciné. Et en recevant ce prix, cela nous permet de faire voir ce film à travers 125 établissements dans tout le Sénégal.
La deuxième fois que le film a été montré au festival Image et Vie, il a obtenu la mention spéciale du jury. La troisième projection se fera à l’édition 2014 du festival Clap Ivoire.
Ce film traite des Ntic dites- vous. Mais pourquoi le choix de ce thème ?
Je suis une victime des Ntic. C’est d’abord ce qui m’a inspiré le choix de cette thématique. Vous et moi, nous en sommes victimes. Et moi, j’ai voulu à travers cette fiction dire aux gens : «Attention ! Nous sommes en train de nous construire d’autres univers sans nous en rendre compte.»
Sur le plan individuel, je vous donne un exemple. Quand je perds mon portable, c’est comme si j’ai perdu la mémoire. Il y a quelque chose qui me manque et je ne suis plus moi-même. Il y a des choses que les gens vivent comme ça, et ils ne se rendent même pas compte de ce qui se passe.
En y réfléchissant, je me suis dit que le développement des Ntic joue un rôle fondamental. Nous sommes en train de construire sans le savoir un monde de solitaires. Car les rapports sociaux sont en train de se déstructurer. Dans ce film, on voit que les enfants sont concentrés sur leur téléphone, le papa qui rentre et qui les salue, mais ils ne répondent même pas parce qu’ils sont concentrés sur autre chose...
Ce sont ces tas de choses qui se passent dans notre société et qui nous changent, qui m’a poussé à réaliser ce court métrage. J’ai voulu montrer à la face du monde ces rapports-là que nous avons avec ces appareils et les conséquences que cela peut avoir.
Je suis convaincu que les Ntic nous ont déjà emportés dans d’autres univers sans que nous nous en rendions compte. C’est regrettable. Et c’est un débat que je pose pour situer les responsabilités et trouver des pistes de solution.
Après deux distinctions déjà dans d’autres festivals, visez- vous avec ce film, le Grand prix Kodjo Ebouclé du Clap Ivoire ?
Habituellement, je pars dans des rencontres de ce genre en les réduisant à leur vocation première. Je regarde beaucoup plus l’aspect échanges, découvertes... Car pour moi, l’esprit de compétition risque de tout fausser, de tout biaiser. Je vais donc au Clap Ivoire 2014 de manière très modeste avec l’envie de faire de très belles rencontres.
C’est déjà un très grand plaisir pour moi après que le film est projeté et remarqué ici à l’é- chelle nationale, qu’il soit sélectionné pour être vu dans un autre pays devant plusieurs nationalités. C’est un énorme plaisir.
Maintenant s’il y a un plus, c’est-à-dire un prix qui vient, c’est tant mieux encore. Quand un film reçoit un prix, c’est toujours bien. Cela donne plus de curiosité pour que les gens cherchent à connaître, à voir le film. S’il y a une consécration, ce sera avec un grand plaisir qu’on va l’accueillir. Et ce serait tant mieux pour ce film qui sera encore plus connu sur le plan sous-régional.
Je dois préciser que mon film ne fait pas le procès des Ntic. L’objectif est de susciter la réflexion sur un phénomène qui nous concerne tous. Effectivement, aujourd’hui, on ne peut pas développer ou faire développer nos sociétés sans cette révolution que constituent les Ntic.
Mais il s’agit pour nous de réfléchir pour trouver les moyens, les armes, pour mieux gérer et mieux accompagner cette révolution... Il ne faut pas qu’on continue d’être des victimes.
Comment est née votre passion pour le cinéma ?
J’ai eu un parcours assez particulier. Je suis d’abord allé à l’école pour apprendre la communication en général après avoir fait l’université. Auparavant, j’avais eu à participer à un atelier d’écriture de scénario-fiction. Rien ne me présageait à ce métier. Je peux dire que c’est le destin.
Mais j’ai toujours été un indomp- table de l’image et du son. La preuve, je sers actuellement à la Rts comme monteur. Mais avant, j’étais à la pyra- mide culturelle avec les studios 2000 qui étaient devenus Rts 2 avant d’être rebaptisés 2stv. J’ai donc développé beaucoup de compétences et d’acquis qui me prédestinaient au cinéma... .
J’avais beaucoup de choses dans le ventre. J’avais beaucoup d’idées de réalisation. C’est ainsi qu’après avoir aidé une étudiante du Cesti à réaliser le montage de sa grande enquête de fin d’études, je lui ai demandé de me laisser le rush. Donc j’en ai fait une réécriture de ce qu’elle a présenté en soutenance. Et cela à donc donné lieu à mon premier film titré Demain ?, et qui porte sur la voyance.
Ce film a été très apprécié. C’est ainsi que j’ai commencé à développer ce don qui est en moi. Il faut dire par ailleurs que j’ai fréquenté beaucoup des cinéastes avec qui j’ai partagé énormément de choses. Je suis un monteur, j’ai toujours mon contrat à la Rts, mais le chapeau de réalisateur a pris le pas sur l’activité de montage. Pour moi, c’est une question de destin.
Vous travaillez actuellement sur un nouveau projet fil- mique ?
Je travaille sur énormément de projets. Ce sont les moyens qui ne suivent toujours pas. Je travaille plus exactement sur deux projets de long métrage et je verrai celui-là qui aura plus de baraka. Je dispose en boîte mon premier projet de long métrage. Mais d’ici deux ans, je vais me concentrer sur un autre projet documentaire qui sera plus accessible. Je ne vais pas vous dévoiler le contenu de ces projets.
Mais croisons les doigts. Prions. Car il y a une belle dynamique qui se crée actuellement et qui tend vers la création d’une industrie cinématographique au Sénégal. Les gens ont de belles initia- tives et c’est plutôt encourageant pour les acteurs que nous sommes.
LÀ OÙ EST NÉ YOUSSOU NDOUR
STAR BAND, PÉPINIÈRE MUSICALE
Amadou Maguette Ndaw et Ibrahima Ba |
Publication 29/08/2014
C’est l’école ! Entre 1960 et jusqu’en 1978, Dakar était conquise par le Star Band du vieux Ibra Kassé le perfectionniste, un véritable dénicheur de talents. C’est dans ce sens que de grands noms de la musique y feront un passage. De pape Seck à Youssou Ndour en passant par Yakhya Fall et autres, tous se sont perfectionnés sous la férule d’Ibra Kassé. Avec sa boite, le Miami night-club, ce dernier a également offert un cadre d’expression à ces musiciens.
1960. Le bouillonnement est sans précédent au Sénégal, et même au-delà, sur le reste du continent. Dans les milieux politiques, ceux qui revendiquent l’indépendance finissent par avoir raison. Sur le plan littéraire, Léopold Sédar Senghor et ses condisciples, à la plume alerte et acerbe, rêvent de lendemains en couleurs en entonnant en même temps le chant de la dénonciation.
Le tout Sénégal est sens dessus- dessous. Sur le plan des mélodies, les populations veulent également du neuf. C’est dans ce sens qu’à la lisière des quartiers Médina et Rebeuss, un monsieur visionnaire, à cheval sur certains principes, initie quelque chose de grandiose. Une véritable prouesse qui marquera à jamais la musique sénégalaise.
Ce doux rêveur qu’est Ibra Kassé va offrir à de jeunes musiciens talentueux la possibilité d’exercer leur art. Durant cette période, seul le vieux Kassé avait le matériel nécessaire, la sonorisation et même le local pour des soirées, rappelle Guissé Pène, secrétaire général de l’Association des métiers de la musique (Ams), vice- président de la Femecs (Fédération des métiers de la culture), parolier, consultant et spécialiste dans l’environnement juridique de la musique.
Les outils en place, sans de bons animateurs, la tentative aurait été peine perdue. Toujours dans sa logique de bien faire le job et aussi de développer sa conception propre de la musique, Ibra Kassé va faire un bon casting pour mettre sur pied le Star Band.
Un mélange d’artistes de talent qui, dans leurs domaines respectifs, sont des orfèvres. Dakar s’émeut de cette bande de joyeux lurons, capables de toutes prouesses.
UN MELTING-POT MUSICAL
La particularité d’un métissage, c’est que chacun apporte ses caractéristiques. Et si l’on sait que toute différence est source de richesse, on peut supposer que le Star Band, qui fut un cocktail de musiciens venus d’horizons divers, a été un grand orchestre.
De vrais monstres qui, sur scène, avaient le don de faire frémir plus d’un. Guissé Pène souligne que ce groupe était un mélange de personnalités avec José Ramos le bassiste cap-verdien, Pape Fall et Mor Seck, originaires de Rufisque, Maguette Ndiaye venu de la Petite côte, Amara Soumaré, un originaire de Guinée où il est devenu après une star avec son tube « Nio Nio ».
Star Band fut un bon melting-pot. On y retrouvait aussi la crème, le must de la musique sénégalaise en ces temps-là. En plus des virtuoses Pape Seck et Yakhya Fall, Ibra Kassé pouvait s’enorgueillir d’avoir des as de la trempe de Mady Konaté (qui fut chef d’orchestre), Blin, Lynx Tall, Dexter Johnson (1er chef d’orchestre), Harrison le bassiste.
La musique de ces années 1960 durant lesquelles le Star Band faisait danser Dakar était très teintée de sonorités latines. « On ne pouvait se soustraire à cette influence », confie Guissé Pène. Mais au-delà, ce groupe avait la particularité d’être managé par un véritable dénicheur de talents en la personne d’Ibra Kassé.
Avec lui, la musique est bien faite et chaque artiste était obligé de respecter les notes. « Il avait ses règles et chacun devait s’y soumettre, au risque de se voir exclure de l’orchestre », se souvient Guissé Pène.
Une musique bien travaillée
La rivalité avait ceci de bénéfique, tant au Star Band avec Ibra Kassé à la manette que du côté du Number One avec le métronome Pape Seck, chacun faisait de son maximum pour avoir de belles productions. Et, naturellement, le public en demandait encore et encore, devant cette avantageuse rivalité qui donnait de bons albums.
Cela a participé, souligne le secrétaire de l’Ams, à octroyer à la musique une tout autre dimension et ce, des années durant. Durant ces an- nées de compétition, on travaillait plus à produire un album bon dans l’ensemble. En fait, le disque était, dans son ensemble, un chef d’œuvre.
Dans sa trajectoire musicale, le Star Band a ébloui les mélomanes du Sénégal avec des tubes comme « Malaguena » de Maguette Ndiaye ou encore « Thielly » de Pape Seck.
L’on se rappelle aussi de la voix de rossignol Pape Djiby Bâ qui, à travers le morceau « Chérie coco », sublimait encore une fois les vertus de l’amour.
AUTANT EN APPORTE L’INSPIRATION...
HISTOIRE DES FORTES TETES
Absa Ndong et Marame Coumba Seck |
Publication 29/08/2014
Les années passent, la coiffure demeure. Cependant, certains modèles ont disparu ou ont subi les influences de la modernité. Du « yoss », on passe aujourd’hui aux « cheveux naturels » devenus, pour les femmes, un luxe qu’il faut porter sur la tête.
A l’époque, nos grand-mères et mères se coiffaient avec le « yoss », l’équivalent des mèches. Il était obtenu à partir du misao (fibres tirées du sac de riz ou de mil).
Ces fils sont introduits dans une infusion d’eau, d’acacia nilotica dit « nep-nep » en wolof et des tessons de fer pour avoir la couleur noire. On y étale de l’huile ou de la graisse pour les rendre éclatants. Ils étaient vendus à 20 francs la boule.
Ainsi, la plupart des tresses étaient faites à partir du « yoss », qu’il s’agit des « ngouka » « yakhi ketiahk » et autres. Dans le salon de mère Dior Thiam, une des photos accrochées sur le mur renseigne sur le « ngouka ». Il s’agit de deux tresses qui survolent les oreilles et sur lesquelles on accroche des boucles appelées « libidors ».
Ces coiffures n’étaient pas à la portée de tout le monde. Seules les dames devraient se tresser ainsi. « Le « ngouka » est réservée aux dames. Les jeunes filles portaient sur leurs têtes des « meug », des « sos- somes » et des « tibalés » ou étaient en mode « afro », explique cette bijoutière.
Comme tout change ou évolue, ces coiffures ont disparu avec le temps ou modelé suivant les nouvelles tendances venant d’ailleurs. Ainsi, celles-ci ne reflètent plus une identité culturelle.
La Peulh traditionnelle avec son « lolélé » est remplacée par cette mi-Blanche aux « cheveux naturels » ou à la « riana » (une coiffe qui imite celle de la chanteuse américaine Rihana. Des coiffures d’antan, certains modèles ont refait surface. C’est le cas de « l’afro ». « La différence est que les anciens « afros » étaient faits à partir de cheveux que l’on passait au peigne à défriser.
Contrairement à ceux d’aujourd’hui qui sont confectionnés en perruques », avance Mame Coumba Ndiaye, propriétaire d’un salon de coiffure qui s’affairait à trouver un modèle dans un catalogue pour une de ses clientes.
Selon cette coiffeuse, les tresses traditionnelles n’ont pas complètement disparu, elles ont été juste actualisées. « Les sossomes, par exemple, ont été recrées pour donner actuellement les tresses américaines », dit-elle en souriant.
Sa cliente, une vacancière venant de la France, opte pour ces dernières. La demoiselle soutient que chaque chose a son temps. « Il arrivera que l’on ne parle plus de ces modèles auxquels on accorde beaucoup d’importance », déclare cette française d’origine sénégalaise.
Il est à noter que les coiffures d’aujourd’hui sont trop éphémères du fait des nombreuses créations liées à la concurrence. A chaque évènement, les coiffeuses sortent des choses nouvelles pour attirer la clientèle. D’ailleurs, Mme Ndiaye pense déjà à ce qu’elle va proposer à ses clientes pour la prochaine Tabaski.
Les jeunes filles ont la phobie du naturel. Et c’est « has been » de sortir sans make-up, cheveux, cils et ongles longs.
Les filles prennent soin de leur apparence... Un peu trop même ! Etre naturel, d’après leur définition, c’est avoir une chevelure de rêve, un regard de biche et des ongles de femme fatale. La métamorphose se fait en quelques heures.
Pour les cils, le désir de les avoir plus longs et plus fournis peut désormais être comblé en 30 minutes. Des fibres synthétiques sont collées une à une sur la base naturelle. Et les ongles, c’est encore plus rapide : en quelques minutes, ils sont réparés, solidifiés et allongés.
Un mot revient sur les lèvres de celles qui ont essayé : « liberté ». « J’aime mettre des faux cils pour intensifier et donner de la profondeur à mon regard. Je ne vois pas où est le mal.
Certes nos mamans ne faisaient pas tout cela, mais il faut savoir que les temps ont changé. Aujourd’hui, l’apparence joue un rôle très important dans la vie. Même pour chercher du boulot, il faut être élégante, sinon vous n’aurez rien.
En plus, je suis libre de faire tout ce que je veux de mon corps », fait savoir Fatim Sow, trouvée dans un salon de beauté en train de poser de faux cils.
Agée juste de 22 ans, elle paraît plus vielle dans son maquillage à outrance et sa peau un peu ridée. « Je me dépigmente, mais je reste naturelle car je n’utilise pas des produits qui agressent ma peau. Je ne me vois pas sortir sans maquillage. La femme doit se mettre en valeur. Les faux cils, faux ongles et faux cheveux sont là pour ça », justifie-t- elle.
Pour Paco Niang, « esthéticien » ambulant au marché Gand Yoff, les jeunes filles sont trop obsédées par leur apparence. Et ça l’arrange bien. « J’ai arrêté mon métier de laveur de voitures pour devenir « esthéticien ».Même si je n’ai pas encore de place fixe, je m’en sors très bien. En effet, ma clientèle me retrouve partout. Je fais des poses de cils et d’ongles. Je fais également des tatouages. Vous savez, les filles raffolent de tout ce qui est faux. Alors, j’en profite pour faire mon affaire. Les temps sont durs pour les autres, pas pour elles ! » D’après lui toujours, c’est le paradis sur terre que de côtoyer des femmes tous les jours, et il n’y a pas plus beau métier que le sien. « Vous savez, elles me demandent souvent de les tatouer dans des zones hyper sexy ; et j’en profite pour bien me rincer les yeux », s’esclaffe-t-il.
Cependant, certains hommes ne comprennent pas pourquoi les femmes se donnent autant de mal pour rester belles. « Il faut bien les vérifier au naturel avant de les épouser, sinon vous risquez d’avoir un arrêt cardiaque au petit matin », rigolent Gora Seck et ses amis.
Pour eux, il ne manque qu’une seule chose aux filles hyper artificielles : l’étiquette « Made in China ». « Elles sont fausses à tous les niveaux, comme ces produits venus d’un pays étranger ».
De son côté, Maman Amina ne supporte pas les cheveux courts et teintés. « Une bonne femme doit tresser ses cheveux. Les couper court et les teindre comme un garçon, c’est exagéré. J’hallucine des fois quand je sors ». En fait, certaines filles ont coupé court à leurs envies de cheveux longs. La coupe à la garçon, la boule à zéro et la coupe « Davala » sont devenues des tendances.
Petites et grandes folies des maniaques du paraître
Adama Mbengue, vendeur : « Les cheveux coûtent cher. C’est long, touffu et c’est encombrant. Je préfère vraiment les greffages simples. En éducation et port décent, les parents jouent leur rôle depuis le bas âge. Les enfants doivent être dans les dispositions de recevoir et d’appliquer les règles.
Chacun doit être son propre éducateur. A un certain âge, on doit décider de ce qu’on doit être ou faire. Il y a des gens responsables et bien éduqués qui ne pensent même pas à porter un pantalon moulant comme une femme.
Mais, je crois que les parents ont une part de responsabilité. Personnellement, je n’accepterai jamais que mes enfants s’habillement de manière indécente dans mon foyer ».
Seynabou, tresseuse : « Dans les temps, il y avait avant les « kharou kéthiakh », composés de six tresses dont quatre qui descendaient sur les joues et deux jointes au milieu pour former une couette. On se tressait avec du fil noir en nylon. Mais le « yoss » est tellement puant !
C’est presque comme de la laine. C’est très difficile à entretenir, surtout quand on a toujours la tête mouillée et avec le mouchoir et la chaleur. Ça dégage une odeur désagréable». Pour les « meug », « kharou kéthiakh », « petites queues », c’est juste des questions de look.
Chaque personne a le sien. Aujourd’hui, il y a trop de concurrence entre les filles. Certaines, en essayant d’imiter leurs copines, font des choses qui dépassent leur capacité financière. Il y en a qui ne mangent même pas à leur faim à la maison mais qui font tout pour se payer des cheveux naturels qui coûtent plus de 100.000 FCfa.
C’est de la folie et du n’importe quoi ! Avant, le prix des tresses ne dépassait pas 2000 FCfa. A l’époque, c’était un service que l’on se rendait entre amies. Il y avait de la solidarité. Ce sont les griottes, en général, qui étaient les coiffeuses de leur quartier ou village.
De nos jours, c’est une prestation payante même pour une vieille connaissance. Par ailleurs, les parents n’ont plus la volonté d’éduquer leurs enfants.
Or, ces derniers ont tendance à imposer leur mode de vie. Si le parent n’est pas trop rigoureux, les enfants deviendront les rois de la maison ».
Seynabou Ndiaye : « Il m’arrive de faire de bons « meug » avec une couette derrière. C’est juste une question de feeling et de pouvoir d’achat. Je n’ai pas d’argent pour me payer des cheveux naturels et ne cherche même pas à imiter les autres filles. »
Anta Kassé : « Avant, on faisait des « meug » lors des fêtes et cérémonies. C’était très joli ! Nos cheveux poussaient correctement. Pourtant, nous étions en phase avec la mode et nous étions belles. Les hommes nous admiraient avec nos « meug » ou « petites queues ».
Durant les fêtes, sans gène, nous portions du wax, ou lagos. De nos jours, les jeunes filles sont complexées. Elles n’osent pas faire des « meug » et sortir la tête nue dans la rue. Elles seront pointées vite du doigt dans leur quartier.
Maintenant, la tendance, ce sont les cheveux naturels. Elles ne parlent plus de greffages « Naomi » ou synthétiques. C’est dépassé ! C’est pourquoi elles se battent vaille que vaille pour se procurer un cheveu par tous les moyens, parfois même d’une manière malsaine. Certains enfants ont l’art de tromper leurs parents.
Elles racontent des histoires toutes faites pour convaincre leur parent sur l’origine de leur bien. C’est ce qui fait que, parfois, il est difficile, pour les parents, de veiller sur les enfants. Il faut reconnaître qu’il y a des parents, surtout les mamans, qui se glorifient des biens matériels de leurs filles.
Lors des cérémonies, elles sont plus fières de leur fille qui a mis du « cheveu » et qui s’habille en « Ganila » ou « Diezner » que de celle qui a un greffage synthétique et qui porte un « thioub » (in- digo). »
Ndèye Fatou Mbaye : « Même les petites filles n’aiment plus faire des tresses simples sans mèche ou greffage. C’est la mode qui l’impose. Si une jeune fille fait des « Kharou kéthiakh », les gens de son entourage et ses amies se moqueront d’elle.
On dira qu’elle est démodée. Les cheveux naturels sont à l’origine des « appartements ». C’est pour se procurer ce luxe que certaines filles ne vivent plus avec leurs parents.
Elles cherchent une chambre où elles peuvent recevoir les hommes en mesure de leur acheter des cheveux de 300.000 FCfa. Avec la conjoncture, aucun père de famille ne peut donner cette somme à sa fille pour des futilités. »
Mère Diouf, vendeuse de perles : « Avant, on se tressait avec de la laine, du fil, du «yoss». On faisait aussi des « lakhass ». Chaque famille avait sa propre griotte. Il arrivait, à la naissance, qu’une femme confie sa fille à une griotte.
C’est cette dernière qui se chargeait de lui faire des tresses jusqu’au jour de son mariage. Lors de cet évènement heureux, la griotte recevait sa part des cadeaux de la belle famille apportés à la jeune fille : tissu, pagnes, crayon de maquillage, etc.
Abdoulaye Diop : « Avant, les femmes ne connaissaient pas grand chose de la mode. Aujourd’hui, les filles sont plus branchées. Elles font des poses d’ongles et d’autres coquetteries que ne connaissaient pas nos mamans. Pour les coiffures, les jeunes garçons imitent les lutteurs et les artistes.
Or, ils ne savent pas que ces célébrités le font juste pour le spectacle. Ils s’en débarrassent aussitôt après le combat pour les lutteurs. Il faut que les gens soient conscients et responsables. On ne doit pas se laisser emporter par ce qu’on voit à la télévision ou dans les autres médias. »
Amy Diallo : « Les greffages, ce n’est qu’une question de temps. Quand je serai grand-mère, je ne ferai pas de mèche et je ne vais plus porter des pantalons sexys. Chaque chose en son temps ».
LES MALHEURS DE DADO
ROMAN D’ALIOUNE BADARA BÈYE, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION DES ECRIVAINS DU SÉNÉGAL
La nuit passait lente et longue, elle couvrait encore le sommeil des « Tioubalos » partis pour des conquêtes lointaines ; elle ramenait parfois des cascades oublieuses la fraîcheur des eaux bleuâtres de Mbilor.
Bodiel dormait maintenant d’un sommeil agité quand Bakar fit irruption dans sa chambre, elle sursauta et s’agrippa sur le cou de son mari tout en demandant l’air anxieux :
- Qu’es-ce que j’entends dans la chambre de Dado ?
Calmement et sans répondre Bakar commença à se déshabiller.
Son air désintéressé surprit Bodiel ; cette fois elle se fit plus caressante et se colla presque sur le dos de son mari. Sa crainte grandissait de plus en plus.
Bakar, d’un ton presque résigné se coucha sur le lit, les yeux fixés au toit de la chambre :
- Un miracle vient de se produire ! - Quel miracle ? - Dado vient d’avoir une mignonne petite fille ; la petite sœur de Oulèye Dona.
Sur cette phrase Bodiel sursauta : - Un enfant ? C’est impossible ! Elle n’était pas en grossesse ! Et presque méchamment elle ajouta :
- Un enfant ne s’offre pas, il se crée, il est la finition, le soupir, l’extase, l’apaisement des étreintes éternelles sous le feu des corps, et depuis des nuits et des nuits tu avais déserté sa couche.
Avec rage Bakar se leva : « Makou » Allah n’aime pas la calomnie. Ici dans cette maison je suis le seul chef de famille. Tu commences à oublier que tu n’es qu’une femme, alors rappelles toi maintenant que je suis le seul astre capable de briller de jour comme de nuit sans aucune forme d’altération.
Et sèchement :
Je t’ai dit que Dado a un enfant. Elle est arrivée à cacher son état grâce à la complicité de la sage Awa. Je te prie de te taire et surtout n’augmente pas ma honte.
Bakar s’étala sur le lit le dos tourné à sa femme et ne parla plus.
Le sommeil finit par gagner son corps.
Une rassurante nuit pour Dado, à travers son âme jadis profanée, elle avait regagné l’amour de son mari grâce à Raki venue au monde pour secourir sa pauvre maman.
Autant sa nuit était prometteuse, autant celle de Bodiel fut mouvementée. Dans son lit, elle maudissait l’éclair passager d’un ciel d’hivernage, elle maudissait le murmure plaintif des sites enchantés.
Un vieil dicton « ouolof » disait : « Khalam dèm ne baye nékhe boume gua dogue ». (Les cordes du « Khalam » ont cédé au moment où le son gagnait en gaieté).
Elle vit son rêve se briser en un jour, désormais elle n’est plus la seule sève féconde d’amour et d’espoir.
Bakar dormait toujours, dans son sommeil il guettait la quiétude des eaux. Il rêvait d’un bonheur sans nuance, un bonheur basé sur la loyauté, l’amour et la fidélité.
Bodiel devra accepter cette sentence qui s’abreuve dans les flots de ses rêves. Elle devrait désormais lutter pour regagner le cœur de son mari. Les belles amours ne s’oublient jamais, elles dorment sous le cendres d’un feu de soir, elles somnolent sous la cime des arbres, sous les ailes des vautours affamés ; elles réapparaissent quand on s’y attend le moins, elles réapparaissent dans les voix chaudes de « Gaolos » dans la flamme des brasiers sacrifiés, elles subsistent et s’éternisent dans les caresses charnelles des aubes passionnées.