Sur la question relative au «Rôle et la place de la femme dans le processus de paix», les panélistes soutiennent que les femmes sont impliquées pour la stabilité de la famille où de la communauté. Toutefois, elles ne sont pas suffisamment impliquées par les gouvernants dans le processus de recherche de paix notamment en Casamance.
Pour Odile Tendeng, consultante à Gorée Institute, la femme diola intervient à deux niveaux: elle joue le rôle de la femme dans la famille et celui de la femme en public. «Pour le premier, explique-t-elle, dans les sociétés du Sud du pays, la femme constitue l’élément central de la famille. En plus d’être épouse, elle incarne la prospérité de son mari dont elle gère la richesse. Et, comme toute mère, par les enfants qu’elle donne à la concession, elle contribue à la reproduction du groupe», soutient Odile Tendeng.
Elle poursuit: «en tant que sœur, ce sont ces enfants qui ont la responsabilité d’assurer la cohésion dans la concession d’où leur mère est originaire». Elle conclut en disant que dans cette même société, les femmes ont toujours eu une parole publique. Selon la chercheure, l’attitude des femmes et la prise de position qui s’ensuit est le fait d’une culture qui donne à chacun sa place.
Dans cette même veine, la panéliste Ndèye Marie Thiam a, quant-à elle, centré son intervention sur le rôle des femmes de religions différentes dans le processus de paix en Casamance. Ce membre de la Plateforme des femmes pour la paix en Casamance a souligné les efforts consentis par la gente féminine pour la fin du conflit dans la région méridionale vieux de plus de 30 ans. «Elles ont travaillé de manière fusionnelle, au point que j’oublie qu’elles sont de religions différentes», dira-t-elle. Depuis l’éclatement du conflit en 1982, plusieurs stratégies de résolution ont été mises en œuvre.
Utiliser les différences confessionnelles comme atout
Dans la première partie de son exposé, Ndèye Marie Thiam a exploré le dialogue interreligieux dans la société casamançaise multiconfessionnelle. Dans cette société, reconnaît Mme Thiam, «globalement, l’Islam, le Christianisme et les religions traditionnelles cohabitent en harmonie, comme en témoigne le cimetière commun des trois communautés à Santhiaba (Ziguinchor). Il est aussi courant de constater dans une même famille que les membres soient de confessions différentes».
D’ailleurs, a-t-elle ajouté, de nombreux adeptes des religions traditionnelles se convertissent régulièrement à l’Islam ou au Christianisme. Selon son constat, les femmes transcendent les barrières religieuses, ce qui explique un «syncrétisme» religieux. «La société casamançaise compte une majorité de musulmans et une minorité de chrétiens. Il y a, par contre, 100% d’adeptes des religions traditionnelles», a-t-elle expliqué. A en croire Ndèye Marie Thiam, les femmes ont utilisé ce substrat culturel pour entreprendre des initiatives pour la paix.
Les premières victimes des conflits exclues des processus de paix
Rabbin Nava Hafetz a pour sa part partagé l’expérience des femmes du Proche-Orient dans le processus de paix. Mme Hafetz fait remarquer que partout dans le monde, les femmes sont exclues des processus de paix, alors qu’elles paient un lourd tribut dans ces conflits. A l’exemple de la guerre en Syrie où on décompte plus de 2000 femmes victimes.
Les recommandations
Des recommandations ont été formulées au cours de ce colloque. Il s’agit entre autres d’avoir une meilleure connaissance des textes sacrés, la connaissance et la reconnaissance de l’autre, de créer un pont entre le discours religieux et la réalité. Il est également recommandé de décloisonner la religion, de ne pas confiner les femmes dans des discours sexistes, de rendre accessible ce type de réflexion, de renforcer le processus de paix et de sensibilisation des futurs conjoints. S’y ajoute le respect de l’esprit du Code de la famille, faciliter l’accès à la justice des femmes divorcées et revoir le cas des talibés.
«Si on s’accorde à reconnaître que le Sénégal est à l’abri des conflits interreligieux, néanmoins soigner et pérenniser le dialogue s’impose à tous». C’est la conviction des différentes panélistes qui se sont prononcées lors du dernier colloque sur le plaidoyer pour un dialogue interreligieux dont le thème est «Femme, religion et société». Hier, mercredi 04 mars, la fondation Konrad Adenauer a rendu public le rapport général de ce colloque en présence des (représentants de ses) partenaires dont l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, Asecod et l’ambassade d’Israël.
La fondation Konrad Adenauer a rendu public le rapport sur le plaidoyer pour un dialogue interreligieux sur le thème: «Femme, religion et société» déroulé au mois de décembre dernier à Dakar. Selon les actes de ce colloque, le Sénégal reste un pays de tolérance, mais néanmoins, il importe, pour les acteurs, de soigner et de pérenniser le dialogue entre tous partout et en tout temps. Pour la représentante résidente de la fondation, Andréa Kolb, la religion est souvent au centre des guerres et des tensions dans le monde. La religion est aussi souvent instrumentalisée pour faire mal. Et, c’est dans ce contexte que s’est inscrit le colloque qui a pour finalité de faire un plaidoyer pour une bonne cohabitation entre les religions.
Au cours de la restitution dudit rapport, Mme Andréa a souligné que deux religions ont été mises en étude à savoir les religions révélées comme l’Islam, le Christianisme et le Judaïsme ainsi que celles traditionnelles africaines (Rta). La place des femmes au sein de ces religions a ainsi fait l’objet de réflexion et les panélistes en sont arrivées à la conclusion qu’elles sont les forces tranquilles qui propulsent le développement. Même si bon nombre d’entre-elles sont victimes de l’instrumentalisation de la religion et ceci par le manque d’éducation et de dialogue entre les différentes communautés.
Pour Sidy Niang de l’Association sénégalaise de coopération décentralisée (Asecod), la seule manière d’arriver à une stabilité ou une bonne cohabitation entre les religions est d’être profondément ancré dans sa foi tout en acceptant l’autre dans son indifférence. Le professeur Babacar Diop de l’université Cheikh Anta Diop, pour sa part, a relevé que le rôle de la femme est primordial dans la société. Toutefois, «il faut éduquer, communiquer et favoriser les visites et les échanges», a-t-il conseillé.
RÔLE ET CONTRIBUTION DE LA FEMME DANS L’HISTOIRE ET L’ÉVOLUTION DES RELIGIONS : Analyse des discours religieux
Pour cette interrogation sur «le rôle et la contribution de la femme dans l’histoire et l’évolution des religions, analyse des discours religieux», les différentes panélistes, qui sont toutes des femmes, sont allées puiser dans leur domaine spécifique. Pour montrer la place prépondérante de la femme dans la société, Fatou Kiné Camara, Docteur d’Etat en Droit, chargée d’enseignement à la Faculté des sciences juridiques et politiques à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, part du matriarcat, fondé sur une très puissante religion de la déesse, une forte idéologie de la maternité, et un principe moral général d’amour.
«Le matriarcat, poursuit-elle, citant Cheikh Anta Diop, n’est pas le triomphe absolu et cynique de la femme sur l’homme; c’est un dualisme harmonieux, une association acceptée par les deux sexes pour mieux bâtir une société sédentaire où chacun s’épanouit pleinement en se livrant à l’activité qui est la plus conforme à sa nature physiologique. Un régime matriarcal, loin d’être imposé à l’homme par des circonstances indépendantes de sa volonté, est accepté et défendu par lui.»
Sœur Mère Marie Diop, quand à elle, l’analyse sous l’angle de l’Eglise. Elle constate que la femme n’est pas la seule à vivre mal dans la société, elle n’est pas la seule à se plaindre des injustices structurelles. Mais, compte tenu de son importance numérique dans la société et de sa vocation à l’amour, «sa voie retentit plus que celle des autres. Car, comme le dit si bien le Pape Jean Paul II, Dieu confie l’homme, l’humain à la femme, en raison de sa vocation à l’amour». Elle en arrive à la conclusion qu’éduquer une femme, c’est éduquer une société, en ce sens que tout homme passe entre les mains d’une femme.
Mme Selly Bâ, sociologue, a, elle aussi, mis l’accent sur la rupture d’une tradition qui a longtemps privilégié dans l’univers de la prédication audiovisuelle, jusque-là contrôlé par les hommes. De sa communication, il ressort que la prédication des femmes est assez prometteuse et porteuse de changement. Le Rabbin Nava Hefetz pose le principe de l’égalité des sexes qui est au cœur de la religion juive. Alors que le Pr Penda Mbow a, elle, mis en valeur la contribution de la femme depuis la construction de la société islamique naissante (7e siècle).
DROITS, LIBERTÉS ET RESPONSABILITE : La femme sénégalaise entre droit positif et droit musulman
«Femme sénégalaise entre droit positif et droit musulman: L’exemple du mariage et du divorce». C’est le thème introduit par Mme Zeynab Kane. Selon le rapport du colloque, sa communication a établi le caractère institutionnel du mariage protégé par le droit positif et le droit musulman. La superposition des deux règlements n’est pas sans conséquences. Il en est ainsi de la méconnaissance des textes et des procédures.
Mme Clémentine Diop, pour sa part, a abordé le thème du mariage interreligieux. Son succès est, selon elle, commandé par des conditions suivantes: la préparation au mariage qui instaure un dialogue approfondi entre les futurs époux pour une meilleure connaissance des religions; l’acceptation et le respect de l’autre, de sa culture et de sa religion; la célébration de toutes les fêtes religieuses (Korité, Tabaski, Noël, Pâques) et le partage de repas avec les belles familles.
S’y ajoute l’indépendance sociale et économique de la femme et beaucoup de compréhension de part et d’autre avec une union basée sur l’amour et l’amitié, faite de concessions réciproques. Ces ménages sont, selon Mme Diop, au cœur de la rencontre islamo-chrétienne, de ce que l’Eglise appelle «le dialogue de vie». Pour réussir un tel ménage, Mme Diop invite le couple à vivre l’épître de Saint Paul aux Corinthiens: 1 CO, 13, 4 à 8 à travers l’hymne à l’amour.
"CE N'EST PAS EN PASSANT DES JOURNÉES ENTIÈRES À S'INVECTIVER QU'ON VA RÉALISER L'ÉMERGENCE"
AMSATOU SOW SIDIBÉ, CONSEILLÈRE DU PRÉSIDENT MACKY SALL
Conseillère du président de la République, présidente du mouvement politique Caar Leneen et surtout enseignante à la faculté de droit de l'UCAD, Amsatou Sow Sidibé a sorti un ouvrage sur le droit. Un prétexte pour recueillir son avis sur la situation politique du pays. La présidente du réseau Dialogue, sécurité et paix en Afrique avait proposé ses services pour le dialogue entre Wade et Macky, mais apparemment, elle n'est entendue par aucun camp. A propos de la situation universitaire, elle demande au gouvernement de trouver une loi avec un minimum de consensus, donc applicable.
Il y a de cela une semaine, vous aviez offert votre médiation pour réconcilier l'ancien Président Abdoulaye Wade et son successeur Macky Sall. Où en êtes-vous ?
C'est vrai qu'il y a de cela deux semaines, le DSP/Afrique, c'est-à-dire le réseau Dialogue, sécurité et paix en Afrique avait fait une déclaration pour le dialogue politique. Je suis la présidente et c'est à ce titre que j'avais fait la déclaration. C'était pour inviter le Président Macky Sall en tant que Président de tous les Sénégalais et de toutes les Sénégalaises, ayant entre les mains les clés du dialogue politique, de la stabilité, d'appeler Abdoulaye Wade pour que le dialogue soit instauré. J'avais lancé un appel au président Abdoulaye Wade pour que lui aussi, en tant qu'ancien chef d'Etat ayant œuvré pour la démocratie sénégalaise, qu'il accepte le dialogue politique et qu'ensemble, ils voient comment faire pour que le Sénégal reste un havre de paix. Un pays où les cœurs et les esprits, de manière sereine, abordent l'émergence.
Apparemment, vous n'avez pas été entendue ?
Alors si je ne suis pas entendue, je dirai que c'est très dommage, parce que nous sommes en présence de personnes en principe intelligentes, en principe respectueuses des droits des Sénégalais, en principe responsables, en principe amoureuses de leur peuple et de leur pays. Si nous les appelons à un dialogue politique, nous ne pouvons que croire que ce dialogue aura bien lieu. Même si ça traîne un peu, ce dialogue politique doit avoir lieu. Vous avez vu ce qui s'est passé après, l'escalade que nous avons observée ? Et que nous regrettons tous et toutes, que le peuple regrette dans sa chair. Il faut systématiquement mettre fin à cette escalade-là de la manière la plus urgente, dans l'intérêt supérieur du Sénégal. Que nous ayons cette sérénité qui nous permet d'aborder et de résoudre les priorités du peuple sénégalais. Tout le monde est d'accord sur l'émergence. Nous voulons un pays émergent. On nous miroite l'émergence depuis l'indépendance. Il n'est que temps pour que ça se réalise. Vous croyez que l'émergence peut se réaliser quand on passe des journées entières, des nuits à s'invectiver, à se jeter des cailloux ? Ce n'est pas possible. Et il n'est de l'intérêt de personne de suivre dans cette logique. Aucun des camps qui se font face n'a intérêt à ce que cette situation délétère que nous vivons demeure. Le peuple est désespéré, exaspéré. Il faut que ça cesse. Il faut qu'on évolue. Il faut qu'on s'occupe des questions essentielles. Le Sénégal n'a pas le droit de vivre ce que d'autres pays qui ont connu des situations catastrophiques ont vécu. Il faut qu'on mette fin à cette situation de crise, d'insultes, de critiques acerbes. Il faut qu'on avance et qu'on travaille.
Avez-vous été surprise par les propos de Wade ?
Je suis surprise et je ne suis pas surprise. Je demande aux différents camps de rester calmes, de respecter l'autre. Ce n'est que dans le respect mutuel que l'on peut vivre sereinement. Je demande que chacun sache que s'invectiver, c'est d'abord porter atteinte à sa propre dignité. Vous savez pourquoi ? C'est un déni de valeur. Que personne n'accepte ça. Nous sommes dans un pays qui est connu pour sa Téranga, pour le sens de civilité de ses membres. Si on commence à faire comme ça, comme d'autres ont fait et ont poussé leur peuple à des actes ignobles, ça surprend le monde extérieur. Ça ne nous ressemble pas. Arrêtons et faisons le dialogue. C'est impérieux, c'est urgent.
Justement parlant du dialogue, est-ce que vous êtes prête à saisir Me Wade et Macky Sall pour renouer le fils du dialogue ?
J'ai essayé, j'ai tenté de toutes parts des deux côtés. Ça n'a encore rien donné. Je dis : le peuple a besoin de ça ; un point, un trait. Le peuple veut des résultats tangibles, il ne veut pas entendre parler d'agressions, d'insultes, d'injures.
En tant que conseillère du président, l'appel devrait être entendu par ce dernier, n'est-ce pas ?
J'attends ! Le président était en Casamance pour le conseil ministériel décentralisé. Il vient de rentrer. Je suis persuadée qu'il acceptera notre main tendue, parce que je connais l'homme. Je sais que cette situation délétère ne l'arrange pas. Je suis convaincue qu'il réagira. Il y gagne, le peuple y gagne. Au total, nous y gagnons. Pourquoi il ne le ferait pas ? Je suis persuadée que c'est le voyage en Casamance et pour lequel je le félicite qui a entravé le dialogue.
Vous le félicitez, il y a pourtant d'autres qui parlent de campagne électorale déguisée.
Moi, j'apprécie en termes d'actes posés. Il y a du positif dans ce qui a été fait. Et c'est en cela que je félicite le président de la République. Depuis la deuxième alternance, nous nous battons pour que la paix revienne en Casamance. Tout acte qui est posé pour que cette paix revienne en Casamance, en bien, nous le magnifions, le DSP/Afrique le magnifie. Parce que c‘est notre préoccupation essentielle.
Vous êtes du groupe de facilitateurs, quels actes concrets avez-vous posés allant dans le sens de faire revenir la paix en Casamance ?
Ils sont nombreux les actes que nous avons posés. Quand on parle de désenclavement, on participe de manière très efficace à la résolution du conflit. Quand on parle de réconciliation et de pardon, on travaille positivement dans le sens de la paix. Or, c'est tout cela qui en train d'être vécu par les Casamançais en particulier, et les Sénégalais en général. Chaque pas fait dans ce sens est un pas important. Nous souhaitons, qu'avec une adduction des actes, nous poussions arriver à une paix. Il ne faut pas qu'on se croise les doigts. Il faut poursuivre les actes jusqu'à ce que la situation devienne une situation de paix durable.
Vous pensez donc être sur la bonne voie ou y a-t-il encore des choses à rectifier ?
Dans quelle mesure ?
C'est juste une question.
Vous savez, la perfection n'est pas de ce monde. En tout, nous tendons vers le positif, l'important est de tendre vers le positif et donc de s'améliorer. On s'améliore en permanence. C'est la nature humaine.
La situation politique actuelle s'explique au moins en partie par le procès Karim Wade. En tant que juriste, pensez vous que les droits du prévenu ont été respectés ?
Votre question est intéressante, mais au temps T où nous nous trouvons, il m'est particulièrement difficile de juger le procès. Vous savez pourquoi ? Parce que le procès est en cours. Et en tant que juriste justement, il me sera difficile de le commenter. Après, je commenterai en tant que doctrinaire et je dirai tout ce que j'en pense.
Vous êtes aussi enseignante, les universités publiques sont bloquées. L'on assiste à un dialogue de sourds entre le Syndicat autonome de l'enseignement supérieur (SAES) et le ministre de tutelle Mary Teuw Niane. Quelle est votre compréhension de la loi-cadre ?
Ce que je peux dire, c'est qu'il ne doit pas y avoir de blocage entre différents acteurs de l'enseignement supérieur, c‘est-à-dire le ministère et les autres enseignants. Ce que je pense, c'est qu'il y a un blocage par rapport à cette loi-cadre. Il n'est pas tard pour bien faire. Il faut que les acteurs s'asseyent autour d'une table pour discuter et prendre une position consensuelle. Sinon, ce qui risque d'arriver, c'est encore une année perturbée. Les étudiants sont fatigués des années perturbées. Il y en a beaucoup qui sont déprimés, même en dépression parce qu'ils n'ont eu qu'une session et au bout d'une session, on leur dit que vous avez "cartouché" (jargon qui signifie être exclu de l'université : NDLR). Ça, c'est injuste. Donc, il faut que le gouvernement, le ministre de l'Enseignement supérieur spécialement, notre collègue Mary Teuw Niane, s'asseye autour d'une table avec tous les syndicats d'enseignants du supérieur pour rediscuter de cette loi. Afin d'arriver à une loi consensuelle que chacun va accepter. Il ne sert à rien de faire des lois qui posent problème. Ubis societas ubisus. Les lois sont faites pour les groupes sociaux, les sociétés. Il faut le rappeler. Cela veut dire que les lois doivent avoir un minimum d'acceptation par les personnes à qui elles s'adressent. Je souhaite que les acteurs discutent pour que cette loi d'orientation soit une loi applicable.
C'est quoi votre appréciation personnelle sur cette loi ?
Je préfère que les acteurs s'asseyent autour d'une table. Pour le moment, c'est à ça que je peux m'en tenir.
Parlons de votre ouvrage dont la séance de dédicace aura lieu demain (hier 3 mars), quels sont les aspects que vous avez abordés dans le livre ?
Quel est ce nouveau bébé ? C'est l'ouvrage de droit civil sénégalais : Introduction à l'étude du Droit, état des personnes et de la famille. Ce livre est le premier du genre au Sénégal. On avait des livres sur le droit administratif sur le droit patrimonial de la famille, succession libéralité, etc. mais on n'a jamais eu un ouvrage d'ensemble qui permet au lecteur, à celui qui veut connaître le droit, d'avoir une idée générale sur le droit sénégalais. Cet ouvrage permet donc de savoir ce que c'est la règle de droit avec ses caractères, les différencier des règles religieuses et coutumières. Il permet également de savoir quel est l'autre sens du mot droit, c'est-à-dire le droit subjectif, les prérogatives. Par exemple, en tant que titulaire du droit, d'ester en justice, je peux faire une demande au tribunal et dire que mes droits ont été violés, je veux que la justice se saisisse de l'affaire.
Il aide également à connaître la source du système juridique sénégalais qui existe parmi tant d'autres. Quelles étaient par exemple les sources de droit avant la période coloniale. Ce n'est pas à négliger, parce que ces sources anciennes continuent à être des sources. Tout ce qu'il y a eu avec le code civil français, le droit musulman, les coutumes, etc., savoir ce qu'est la loi, comment on l'élabore et comment on l'applique, quelles sont les différentes phases d'application depuis la rédaction, le vote, la publication au journal officiel, la promulgation. Mais aussi la jurisprudence, parce qu'il y a des décisions de justice et il faut pouvoir les analyser. Il est également nécessaire que celui qui accuse apporte des preuves. Il y a beaucoup à faire à ce niveau. Celui qui dit qu'on lui a porté tort doit présenter des preuves. On ne peut pas aller au tribunal et croiser les bras. Ce sont les preuves qui permettent de gagner un procès.
Vous pensez donc qu'il y a une méconnaissance du droit par les Sénégalais ?
Il y a une méconnaissance totale du droit. Les Sénégalais aiment le droit mais ils ne le connaissent pas. C'est pourquoi il y a beaucoup de développement sur les personnes, le mariage, les filiations, le divorce, la séparation de corps, l'état-civil, les questions de polygamie et de monogamie, le droit sur la personnalité comme le droit à l'image, etc.. Les Sénégalais raffolent de la vie privée des gens sans savoir ce que cela induit comme conséquence.
Quels sont les cibles du livre ?
C'est un livre qui est destiné aux étudiants d'abord, mais aussi aux praticiens du droit. Les magistrats, les avocats ; vous les journalistes, vous devez connaître le contenu de cet ouvrage. Ça va beaucoup vous aider. Les députés aussi, il faut qu'ils connaissent le droit. Ceux qui n'ont pas fait droit ont une belle occasion pour connaître le droit.
L'ouvrage vous a pris combien de temps ?
J'ai enseigné les grandes lignes de cet ouvrage pendant plus de 30 ans. Mais rédiger un livre, le peaufiner, en faire un ouvrage de recherche scientifique m'a pris énormément de temps. Faire un livre de ce genre n'a pas été aisé, du tout...
LE ‘’CONGO, UN MEDECIN POUR SAUVER LES FEMMES’’, PROJETE MERCREDI
Ouagadougou, 3 mars (APS) – Le documentaire ‘’Congo, un médecin pour sauver les femmes’’, de la Sénégalaise Angèle Diabang, sera projeté mercredi à partir de 18h 30, dans le cadre de la 24-ème édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco), annonce un communiqué reçu à l’APS.
Co-organisée et animée par le Cinéma numérique ambulant (CNA), la séance est prévue au Village du CNA sis au Maquis du Festival (cité An III, à 300m du Ciné Neerwaya) en présence de la réalisatrice, précise la même source.
La projection accompagne la Conférence de presse de l’antenne belge AFRICALIA (Belgium), qui commence à 16H30, indique le texte.
‘’Congo, un médecin pour sauver les femmes’’ est un portrait en situation du docteur Denis Mukwege, qui consacre ses activités à la ‘’réparation’’ de femmes violées, dans la région Est de la République démocratique du Congo. Il mène ses interventions dans un hôpital qu’il a ouvert à Panzi.
Angèle Diabang le suit à partir de son retour dans son pays après un exil forcé en Europe et recueille aussi des témoignages de femmes ayant subi des violences sexuelles. En toile de fond de ce documentaire, une critique de l’incapacité des élites politiques congolaises à assurer le développement socio-économique de leur pays.
Ouvert samedi dernier, le Fespaco se poursuit jusqu'au 7 mars.
LANDING CONDAMNE WADE
Aj juge "irresponsables" les propos de Wade contre Macky Sall et "se félicite de la volonté du chef de l’État d’ignorer de telles attaques"
(SenePlus.Com, Dakar) - And-Jëf/PADS s’est joint au concert de condamnations des propos d’Abdoulaye Wade contre Macky Sall. "Une nouvelle sortie politique catastrophique qui démontre qu’il est prêt à tous les dérapages, souligne le secrétariat exécutif d’AJ, qui s’est réuni mercredi dernier. Ses déclarations irresponsables confirment que le sort de son fils, Karim Wade, le préoccupe plus que l’image du Sénégal et le respect de la souveraineté populaire."
Dans un communiqué parvenu à www.SenePlus.Com, les camarades de Landing Savané ont salué "la volonté du chef de l’Etat d’ignorer de telles attaques et de continuer de concentrer son regard et ses efforts sur les questions relatives au développement économique et social de notre pays tout en laissant la justice faire son travail en toute indépendance".
Justement à propos de développement économique, AJ a adressé "ses vives félicitations (au président de la République) pour sa tournée économique consacrée à la Casamance et les importantes décisions de financement au profit des régions de Kolda, de Sédhiou et de Ziguinchor pour le désenclavement, la promotion touristique et le développement de la riziculture, en particulier".
Et pour cause, le parti dirigé par Landing Savané "reste convaincu que la réalisation de tous les projets annoncés en Casamance sera un exemple concret de territorialisation des politiques publiques de l’Etat". Dans cette perspective, il "invite le secteur privé à soutenir la politique d’équilibre régional à travers la promotion des Pôles régionaux de développement. L’implication du secteur privé en Casamance et la réalisation des infrastructures par l’Etat contribueront fortement à l’emploi des jeunes, à la lutte contre la pauvreté des femmes et à la sécurité de la région et du pays".
En outre, "la coordination des cadres et le Mouvement national des jeunes (d’AJ) sont parties prenantes d’initiatives importantes de concertation avec la Majorité présidentielle pour contribuer à la politique de développement économique et social du Président Macky Sall. Ces initiatives seront poursuivies et les actions renforcées pour réaffirmer le soutien du parti au Plan Sénégal Emergent".
À propos de la vie du parti, Landing et Cie évoqué les préparatifs de la journée des femmes, qui sera célébrée le 8 mars prochain. "A cet effet, informe le communiqué, le Mouvement national des femmes organise un atelier de renforcement de capacités à la permanence nationale en mobilisant ses démembrements au niveau de toutes les fédérations."
Aussi, "dans le cadre de l’évaluation de la mise en œuvre des directives de redéploiement du parti, le secrétariat exécutif a rappelé la tenue du prochain Bureau politique le 7 mars 2015 et a passé en revue toutes les tâches de préparation. Ainsi, le SE a décidé, en plus des membres du BP, de convoquer les maires nouvellement élus, pour renforcer la Commission des élus du parti".
Les femmes des cités Jaxaay vivent dans le calvaire. C’est en tout cas l’avis de ces dernières qui organisaient une rencontre en préparation à la journée du 8 mars dédiée aux femmes.
Devant leur maire, Mor Sarr Bâ, elles ont étalé les besoins leur permettant d’avoir des conditions d’existence plus descentes. De l’avis de Fatoumata Diagne dite Fifi, coordinatrice du Réseau des femmes de la localité, outre la pauvreté qui sévit dans la zone, les infrastructures de base sont quasi absentes.
«Il n’y a aucune activité à faire dans la zone. Nous avons demandé au maire de nous doter d’une maison de la femme pour que les femmes puissent subir des formations leur permettant de s’adonner à des activités génératrices de revenus.
Même un moulin à mil, il n’y en a pas ici. Les femmes sont obligées de se rendre jusqu’à Keur Massar. Nous n’avons même pas de marché», dira la porte-parole des femmes de Jaxaay. Sur le plan sanitaire, elle fait remarquer qu’il y a un déficit énorme. En effet, signale-t-elle, «sur le plan sanitaire, nous avons d’énormes problèmes.
Il n’y a qu’un seul poste de santé. La nuit, si quelqu’un tombe malade, on est obligé d’aller jusqu’à Keur Massar ou Thiaroye pour la faire soigner». A Jaxaay, plusieurs quartiers n’ont ni eau ni électricité.
C’est l’avis d’Aminta Sène pour qui, «il y a des gens, surtout des femmes qui vivent le calvaire. Cela est beaucoup plus accentué par l’absence d’une structure de santé digne de ce nom. Les accouchements se font ailleurs».
Toujours dans la lutte contre la pauvreté qui frappe la junte féminine de Jaxaay, Fatoumata Diagne est ses camarades ont demandé au premier magistrat de la localité de leur trouver des zones cultivables et faire aussi de la transformation de produits locaux et de céréales.
"IL N’EXISTE NULLEMENT DE SOCIÉTÉ SANS VIOLEUR, SANS CRIMINEL, SANS INCESTE..."
DR SELLY BA, SOCIOLOGUE, ENSEIGNANTE-CHERCHEURE ET MEMBRE DU MOUVEMENT CITOYEN
On assiste à une recrudescence des cas de viols dans notre pays. Selon des chiffres qui ont été publiés récemment, 3 600 cas ont été enregistrés en un an au Sénégal. Comment l’expliquez-vous ?
Le viol est un phénomène courant dans notre société. L’ampleur du phénomène est sans doute à la hauteur de l’intensité des troubles individuels et sociaux qu’il engendre. En 2008, l’Ong GRAVE (Groupe d'Action Contre les Violences faites aux Enfants) a relevé près de 423 cas de viols, sans compter les affaires réglées à l’amiable ou étouffées en famille. En 2012, le Dr Omar Ndoye du réseau des parlementaires pour la protection de l’enfant contre les abus et violences, estimait à deux le nombre de viols commis par jour. Vous, les journalistes, vous parlez souvent de recrudescence des cas de viols. Cela pourrait à notre avis s’expliquer par le fait qu’avec la croissance démographique, le développement exponentiel des médias, la dégradation des mœurs et une forte promotion des droits humains spécifiquement ceux des femmes, font que les langues se délient progressivement et libère de plus en plus ainsi la problématique du viol de l’espace privé.
Toutefois, du point de vue sociologique, nous considérons le viol comme normal et non pathologique. Cette normalité relève du fait que ces maux sont inhérents à toute société. En dehors des crimes, de la prostitution, de l’homosexualité, le viol fait partie de cette énergie en trop qu’expulse une société pour garder sa normalité. Il peut être considéré aussi comme un excrément, de la transpiration d’une société, parce que tout simplement une société sans ces maux ne survivrait pas. En cela, elle respire à travers toutes les formes de déviances. C’est pourquoi il n’existe nullement de société sans violeur, sans criminel, sans inceste, etc. Cependant, ce n’est pas qu’une société ne peut exister sans déviation qu’il ne faudrait pas combattre ces phénomènes. Il faudrait le faire pour ramener le fait à des proportions tolérables pour la société. C’est pourquoi une politique de prise en charge correcte de la question (sous l’angle pluridisciplinaire) nous paraît plus que nécessaire.
Ces chiffres effarants reflètent la face visible de l’iceberg ?
Oui, je suis tout à fait d’accord parce qu’il y a beaucoup de cas non dévoilés qui sont toujours réglés dans l’espace privé. Il y a une sorte d'impunité qui ne dit pas son nom. Les parents, pour sauver leur honneur, préfèrent bien souvent étouffer le viol. En effet, au Sénégal, pays de "maslaa" et de "sutura", beaucoup de viols ne sont pas dévoilés surtout lorsqu’ils se passent en famille. On essaie souvent de passer l’éponge, voire de donner en mariage la victime sans se soucier des conséquences comme les traumatismes psychologiques ou sur sa santé tels que les risques d’hémorragie, de grossesses indésirables ou de contamination par les maladies sexuellement transmissibles (MST) et le VIH/SIDA.
D’après quelques investigations effectuées, il nous est permis d’avancer que les difficultés d’application des textes existants constituent un facteur important qui "encourage" le viol. Ces difficultés d’application des textes sont multiples et sont de plusieurs ordres. Elles tiennent d’abord aux réalités socioculturelles. Les victimes ont souvent honte de dénoncer les violences qu’elles subissent notamment en cas de violence sexuelle. Ou bien, elles ont peur de le faire par crainte de perdre d’autres intérêts plus valorisants pour la société (manque de considération, stigmatisation, etc.). Car, les contraintes d’ordre socioculturel influent non seulement sur les victimes, mais aussi sur leurs familles, sur les juges, les policiers, les gendarmes, bref sur tout le monde. Devant certains juges, les victimes sont traumatisées. Sur cinq commissaires de police interrogés sur la manière dont ils traitent le cas de viol par exemple, 3 nous avouent prendre les déclarations des femmes sur le sujet avec beaucoup de réserves. Bon, cet aspect relève aussi du fait que le viol est une arme à double tranchant parce que certaines personnes en profitent pour dénoncer des innocents afin de régler des problèmes personnels. Et c’est une question également qui mérite réflexion.
Des femmes ont-elles encore peur de porter plainte ?
En fait, beaucoup de femmes s’abstenant de porter leurs affaires devant les juridictions font état du manque de confiance qu’elles font à la justice, en raison de la forte masculinisation de ce corps mais également de la corruption. Ainsi, plusieurs dossiers sont bloqués par ce fléau. En outre, les obstacles sont d’ordre procédural. Les procédures sont longues, complexes et coûteuses, ce qui décourage les éventuelles candidates à une action judiciaire. En effet, les preuves généralement difficiles à apporter font que les victimes perdent leur procès et la justice n’étant pas gratuite, n’est donc pas à leur portée. La majorité des femmes victimes sont analphabètes. Elles sont pauvres et ignorent leurs droits. Et les organisations des défenses des droits de la personne, notamment ceux des femmes, sont en train de jouer un travail remarquable qu’il faut saluer et qu’il faut davantage accompagner.
Pour revenir sur le viol des mineurs, la négligence des parents est citée parmi les causes majeures, partagez-vous ce point de vue ?
Le viol ne relève pas uniquement de la négligence des parents, il y a d’autres paramètres qui entrent en jeu. Et à ce niveau, il est important de souligner l’existence d’une forte corrélation entre viol et pauvreté et viol et inoccupation. Les colonnes des faits divers donnent froid dans le dos et laissent croire que la plupart des viols se réalisent dans la banlieue, en zone rurale où la pauvreté ne cesse de gagner du terrain. Pour dire que la pauvreté peut être considérée comme un facteur favorisant le viol en raison de la promiscuité et de la démission des parents à l’éducation et du suivi de leurs enfants. Ce qui ne veut pas dire que le viol est une affaire des pauvres.
Le viol n’est pas une affaire de pauvre, ni d’intellectuel, encore moins d’analphabète. Il a été noté que la plupart de la population des zones où sévit la pauvreté, on s’entasse dans de petites chambres allant de cinq à huit personnes, des fois même plus. Souvent, oncle, tante, neveu, nièce, cousin, cousine, frère, sœur, papa, maman, grand-père et grand-mère baignent dans un petit espace (surtout en ville) tous les jours. Ce qui peut être un facteur favorisant le viol, surtout la pédophilie. Le manque de travail (inactif) vient renforcer, encourager ce phénomène, entraînant certaines personnes (faibles) dans des vices.
Sur quels leviers l’Etat devrait-il, à votre avis, s’appuyer pour lutter contre ce phénomène ?
Le viol est codifié dans le droit sénégalais par l’article 320 du code pénal. Ce dernier considère, dans son alinéa premier, comme un viol "tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature que ce soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise". Assez large, cette définition dont la version en vigueur date de 1999 servirait avant tout à protéger les victimes. Le texte juridique admet également l’accusation de viol d’une femme par son mari. Il s’agit du "viol entre conjoints" qui n’était pas reconnu par la société coutumière dans laquelle une femme devait être soumise sexuellement à son époux.
Je pense que le problème se situe plutôt au niveau de l’ignorance générale des textes relatifs aux droits des hommes et des femmes, incluant dans les conventions internationales les chartes et protocoles africains ratifiés par nos gouvernements. Cela ouvre la porte à l’impunité pour un bon nombre de comportements déplacés à l’égard de ces dernières, types de comportements que, malheureusement, les femmes elles-mêmes sont amenées à accepter par manque d’informations. C’est pourquoi, le premier levier à actionner serait la sensibilisation, l’éducation et la formation qui s’adressent à toutes les composantes de la société et notamment aux jeunes (H/F).
En effet, la prévention doit être faite au niveau des jeunes car des recherches ont montré que 55% des abuseurs commencent leurs forfaits pendant l’adolescence. Ils s’en prennent en général à de jeunes garçons. Le second est l’action des médias qui doivent, en plus de la dénonciation, montrer l’impact néfaste du viol sur le développement de la société toute entière. Il est important de revoir la manière dont la problématique est traitée par les médias, car le plus souvent, le viol est banalisé par ces derniers. Le troisième levier reste à renforcer les capacités des associations des droits des personnes et féminines en particulier en lobbying, malgré le rôle joué sur le terrain (promotion des droits, assistance juridique) ; Le quatrième, est la sensibilisation des femmes sur la conduite à adopter en cas de viol (par exemple ne pas éliminer de preuve : habits souillés, blessures sur la victime, faire établir un certificat médical par un médecin le plus rapidement possible, chercher des témoins, etc.).
"CE SONT, POUR LA PLUPART, DES PERSONNES FRUSTRÉES"
Comment identifier un violeur ? Une question qui taraude l’esprit de plus d’un. Et la réponse ne paraît pas évidente. Ils ont, pour autant, un trait particulier. La sociologue Selly Ba apporte quelques éléments de réponse.
"Selon des analyses psychologiques, le viol est habituellement commis par des personnes frustrées dont la particularité est l’immaturité affective". Il est souvent pervers pas au sens courant du terme mais au sens où la perversion est définie comme une structure mentale, une organisation du psychisme, un mode de fonctionnement particulier."
La psychosociologue, Mme Ndèye Ndiaye Ndoye va plus loin. Elle dit : "la plupart d’entre eux ont connu une enfance difficile. Ils ont été violés ou maltraités. Ou alors ils ont vécu enfermés, dans un univers déconnecté des réalités sociales. C’est le cas des maîtres coraniques impliqués dans des histoires de mœurs. Quand ils découvrent le monde réel, ils ne savent pas comment s’y prendre. Ils manquent de confiance en eux quand il est question d’aborder une femme. D’autres personnes au passé trouble sont dans la même situation."
L’autre trait distinctif : le violeur, perturbé intérieurement, use toujours d’une situation d’ascendance. "Ils exercent une certaine domination sur leurs victimes, qui sous le coup des menaces, rechignent à les dénoncer." Le même schéma se reproduit dans d’autres univers où le violeur est convaincu qu’il domine sa victime.
L’enseignant-chercheur de l’université Gaston Berger, Mamadou Coulibaly, dans une étude sur "les victimisations scolaires au Sénégal à l’épreuve de l’analyse de "genre" : de la construction socioculturelle et institutionnelle des violences sexuelles en Afrique subsaharienne", va plus loin.
"Les pressions sexuelles, dit-il, ont tendance à diminuer avec l’âge des élèves. Abuser des plus jeunes peut constituer pour le bourreau à la fois une assurance de parvenir à ses fins, mais aussi une garantie d’obtenir le silence de la victime. Au final, plus l’élève est jeune, plus il ou elle court le risque d’être agressé sexuellement par un condisciple ou un adulte."
La moyenne d’âge des auteurs est de 30 ans
Par ailleurs, c’est l’Onu femmes qui livre des informations plus détaillées dans son rapport en date d’avril 2012. C’est pour souligner qu'"une analyse des données des services de police et de gendarmerie établit une moyenne d’âge de 25,7 ans chez les auteurs d’actes de violence faite aux femmes. La lecture des registres des services de justice indique que les victimes ont une moyenne d’âge de 13 ans, tandis que la moyenne d’âge des auteurs est de 30 ans."
Mais une remarque de taille. "Cependant, relativement à la variable de l’âge, on peut se demander si, comme le suggèrent les données qualitatives, ce ne sont pas les auteurs les plus âgés qui échappent aux services de répression, du fait qu’ils ont, en général, plus de moyens financiers ou sociaux de faire pression pour l’abandon des poursuites."
Les chômeurs et commerçants indexés
Dans la même foulée, le rapport souligne que "les données des tribunaux indiquent que les personnes sans profession représentent 21,8% des auteurs de violences faites aux femmes ; les commerçants représentent 20,8% ; on retrouve également parmi les auteurs des agriculteurs, des éleveurs, des jardiniers, des chauffeurs, des menuisiers, des maçons, des pêcheurs, des gardiens, des artisans, des enseignants parmi lesquels des maîtres d’école coranique, et des marabouts. Les cadres sont très faiblement représentés (1%).
"Les données des tribunaux permettent également de se faire une idée du statut socioprofessionnel des auteurs de viols. Celui-ci ne paraît pas fondamentalement différent de celui des profils examinés plus haut, probablement en raison de la proportion importante de viols dans le total des cas de violence faites aux femmes enregistrés dans les services de la justice."
"Il faut éviter de stigmatiser une quelconque catégorie sociale
Les viols commis dans le milieu scolaire sont de plus en plus dénoncés dans la presse. A Ziguinchor, par exemple, au sud du pays, 60 dossiers liés au viol concernant des jeunes filles de la tranche d’âge de 3 à 17 ans, ont été enregistrés, il y a deux ans. Et ce sont les enseignants qui sont de plus en plus pointés du doigt dans ces histoires de mœurs.
Idem également pour les maîtres coraniques. Une étude sur les violences scolaires, dans notre pays, souligne que les enseignants sont auteurs de 11% de cas de harcèlement sexuel subis par les filles, de 18% de cas de viols." Mais pour Zeynab Kane, il faut éviter "de stigmatiser une quelconque catégorie, cela ne fait que déplacer le problème mais il faut voir comment travailler avec tout le monde, y compris les chefs religieux et traditionnels qui jouent un rôle capital dans la société."
Elle est convaincue que "la religion peut être d’un apport capital. La chance du Sénégal, c’est que les populations sont croyantes et ont une sensibilité à leurs religions (musulmane et chrétienne), il faut mettre à contribution cette dimension de la religion".
Des jeunes enfants ou femmes qui se sentent en danger permanent, des personnes souvent désagréables avec leur entourage et capables du pire ont, pour la plupart, été victimes de viol. Certaines ont le courage de dénoncer, d’autres se taisent. Au Sénégal, au moins 3 600 cas de viols ont été décelés en une année.
Le viol, un sujet qui suscite un intérêt général, continue à éberluer plus d’un dans notre pays. Une étude récente a décelé 3 600 cas de viols en un an au Sénégal. Une preuve tangible, pour les auteurs de l’étude, de la progression d’un phénomène endémique.
"Les cas passés sous silence dépassent ces estimations", confie la psychosociologue Mme Ndèye Ndiaya Ndoye. La raison "plusieurs cas sont réglés à l’amiable. Sous l’influence d’une forte pression, des victimes, encouragées par leur famille, continuent à étouffer l’affaire pour une question d’honneur et de réputation. On fait miroiter à d’autres un projet de mariage qui n’aboutit jamais", explique-t-elle.
Pour d’autres, il faut considérer qu’au moins 2 femmes sur 10, dans notre pays, sont victimes d’agressions sexuelles. "Elles ne brisent le silence que dans un cadre très restreint où elles se sentent en sécurité. D’habitude, elles se culpabilisent pensant que c’est de leur faute si elles ont été violées", confie une militante des droits de la femme.
Le comité de lutte contre les violences faites aux femmes (Clvf), une organisation qui regroupe des Ong de femmes, a répertorié, sur le territoire national, 384 cas de viols, avec 806 femmes victimes d’agressions en 2014. Ces trois dernières années, ce sont plus de 2862 cas de violences qui ont été soumis au Clvf aussi bien à Dakar que dans les autres régions.
Dans un rapport d’Onu femmes en date d’avril 2012, il est mentionné que le nombre de cas de violences faites aux femmes enregistrés dans les tribunaux des 8 régions de l’étude a plus que doublé en l’espace de 5 ans, passant de 157 cas, en 2006, à 371 cas, en 2010 ; d’une année à l’autre, on a une augmentation du nombre, le seul infléchissement étant celui entre 2007 et 2008.
Témoignage d’un informateur d’un commissariat de police repris dans le rapport : "Avant, il était très rare qu’on soit saisi d’un cas de viol ou d’inceste ; si un cas d’inceste arrivait, on en parlait pendant des années. Au poste de police, tu pouvais rester une année et n’avoir qu’un ou deux cas de viol. Mais, maintenant, on peut avoir jusqu’à 4 ou 5 cas, voire plus, de viol, d’inceste ou de pédophilie par mois."
A Dakar, des statistiques recueillies au tribunal hors-classe font état, au cours de ces cinq dernières années, d’une évolution croissante des cas de viols : on est passé de 12 cas, en 2006, à 22 cas, en 2007, pour arriver à 178 cas, en 2010. On retrouve la même tendance, en ce qui concerne les coups et blessures volontaires, à en croire toujours le rapport d’Onu femmes.
Pour Zeynab Kane, Docteur en droit et adjointe de la vice-présidente chargée des programmes de l’Association des juristes sénégalaises (Ajs), "c’est très dommage pour le pays quand même, si on prend en compte les autres cas qui ne sont pas révélés".
Des séquelles psychologiques
En se confinant dans le mutisme, la plupart des victimes s’enlisent dans une phase dépressive. Le viol, une expérience déstabilisante, engendre souvent, selon des spécialistes, "des flash-back et des cauchemars envahissants qui hantent la victime, par l’évitement des situations pouvant rappeler à la victime l’événement traumatisant, et par une hyper vigilance".
La femme victime de viol a souvent tendance à percevoir le monde autrement, ses rapports avec les autres peuvent également en pâtir, si elle ne dispose pas d’une prise en charge médicale adéquate. La raison : "avoir été gravement agressé dans son intimité, c'est très violent. L'humeur peut changer du tout au tout", explique un psychologue.
Pour d’autres, "on peut voir la vie en noir, penser à la mort et même laisser venir des idées suicidaires, ou aller jusqu’à se suicider par profonde déprime". Ou encore, la victime change de partenaires sexuels selon ses humeurs. Elle multiplie les expériences sexuelles, allant parfois même jusqu'à la prostitution. Ça peut paraître étrange, mais le but est d'essayer d'effacer le viol en le recouvrant d'expériences multiples. Il peut aussi s'agir de chercher à prendre le contrôle de sa sexualité sur l'autre, de devenir chasseur plutôt que victime. Cette manière de réagir rend souvent extrêmement malheureux et mal dans sa peau.
Quelles solutions efficientes pour lutter contre ce phénomène ?
Malgré de nombreuses mesures de représailles, le viol a la peau dure au Sénégal. "La recrudescence de viols me fait penser aux solutions ou réponses apportées à ce phénomène. Quelles sont leurs efficiences ou leurs efficacités ? Je pense qu’il faut évaluer tout cela et prendre au sérieux ce problème avec une dimension holistique", tient à préciser le docteur en droit, adjointe de la vice-présidente chargée des programmes de l’Association des juristes sénégalaises, Zeynab Kane.
Des actions intentées par des mouvements de femmes n’ont pas fait reculer le phénomène. Pour Mme Ndèye Ndiaya Ndoye, par ailleurs responsable de l’Ong Sos équilibre, il faudra une forte contribution des parents pour s’attaquer aux racines du mal.
Tout serait question d’approche. "Les parents doivent apprendre à leurs enfants à être jaloux de leur corps et surtout de ne permettre à personne, si proche soit elle, de toucher à leurs parties intimes", juge la psychosociologue. Comme d’autres, elle pense que, face à une époque changeante, le sexe ne doit plus être un sujet tabou dans les familles. Il faudra lever le voile pour armer les enfants.
"Il est judicieux de mettre l’accent sur la communication. Que les parents parlent à leurs enfants, les préviennent des dangers d’une vie sexuelle débridée, mais aussi leur donne le courage de dénoncer ceux qui les menacent. Il faudrait aussi que tout un chacun redouble de vigilance. Car les filles aussi bien que les garçons sont très exposés", conseille Mme Ndoye.
Le docteur en droit Zeynab Kane ajoute, dans cette optique, qu’il est impérieux de corriger "le manque d’éducation sexuelle de même que la pudeur qui entoure les questions de sexe dans notre pays."
LES RÉVÉLATIONS D’ONU FEMMES
Dakar, Thiès, Kaolack, terreaux fertiles !
"Étude situationnelle sur les violences basées sur le genre dans les régions de Dakar, Diourbel, Fatick, Kaffrine, Kaolack, Louga, Saint-Louis, Thiès." C’est le thème d’un rapport de l’Onu femmes en date d’avril 2012. D’emblée, le rapport déplore que malgré les dispositions réglementaires et législatives, "il y a plusieurs indications suggérant une recrudescence des cas de violence sexuelle, d’agressions physiques, de maltraitance pouvant prendre des formes extrêmes conduisant à la mort ou à des conséquences particulièrement graves".
Une enquête menée dans 8 régions du Sénégal sur la base de collecte d’informations dans les services de police et de gendarmerie, de justice (représentés ici par les tribunaux) et de santé.
Dans son rapport, Onu femmes précise que Dakar, Thiès et Kaolack, les régions les plus peuplées, enregistrent le plus grand nombre de cas de violences faites aux femmes au moment où des régions comme Fatick et Kaffrine enregistrent des chiffres moins élevés. Mais une constance dans l’étude, des structures de police et de gendarmerie dans les différentes régions, ont montré que le viol (la moitié des cas) constitue, de loin, le type de violence faite aux femmes le plus fréquemment enregistré".
Selon le rapport "dans les hôpitaux de notre échantillon, le viol constitue le tiers des cas enregistrés de violences faites aux femmes. Ce chiffre peut être sous-estimé, dans la mesure où les agents de santé, pour ne pas avoir à être mêlés au traitement juridique des cas de viol, auraient, selon les entretiens qualitatifs, tendance à plus utiliser l’expression "lésions vaginales."
Même scénario "dans les tribunaux, où le viol constitue le cas de violence faite aux femmes le plus fréquemment enregistré. La proportion est de 50% dans les structures de police et de gendarmerie contre 35% dans les tribunaux.
Dans l’univers des pères et voisins violeurs
"Montagne". Dans ce quartier populeux de Dakar, la précarité et la promiscuité se dégagent de mille lieux. L’image la plus frappante sur ces lieux est le nombre impressionnant d’enfants qui jouent dehors. Des filles et garçons, de 2 ans à 7 ans qui peuvent sillonner le quartier, jusque tard, sans aucune surveillance.
Le regard famélique, la plupart de ces bambins, exposés à toutes sortes d’agressions, s’amusent, souvent sans la petite culotte, et sont initiés dans la rue à toutes sortes de jeux. Dans ce quartier, les gesticulations et déhanchements de certains enfants qui imitent, en toute candeur, des danses obscènes diffusées sur certaines chaînes de télévision, impressionnent.
Des enfants qui ont fini de prendre plaisir aux jeux d’adultes. Marième Gaye (nom d’emprunt) ressent du mépris pour sa fille de 5 ans. Et pour cause : "Je me suis rendu compte qu’elle aimait trop les garçons et qu’elle aimait s’amuser avec son sexe. Cela me brisait le cœur. De petites enquêtes m’ont permis de découvrir qu’un voisin, d’une quarantaine d’années, l’entraînait dans son lit quand j’allais travailler. Une sage-femme a confirmé qu’on a eu à abuser d’elle sexuellement."
En dépit d’une souffrance atroce, elle ne pense aucunement dénoncer ce voisin dont l’épouse est très respectée dans le quartier. Un témoignage plus poignant est venu d’une femme qui habite dans le même secteur. Elle a découvert que son époux, âgé de 60 ans, la trompait avec leur fille de 3 ans. Choquée, elle n’ose pas pour autant divorcer pour "l’honneur et la réputation".
Un cas effarant, comme tant d’autres, que la psychosociologue Mme Ndèye Ndiaya Ndoye a eu à enregistrer dans certaines localités. Le cas plus récent a été noté à Pikine Guinaw Rail. "Nous avons été obligées de séparer une fillette de ses parents, parce que son père abusait sexuellement d’elle tous les soirs." Elle cite aussi l’exemple d’un bébé de 18 mois qui a été victime d’attouchements sexuels.
Dire que, selon des spécialistes, "un parent a généralement un instinct de protection pour son enfant". Mais pour la juriste, Zeynab Kane, "il nous faut trouver l’équilibre pour mieux protéger les enfants de la pédophilie et les femmes du viol afin d’asseoir une société plus stable.
DES ENTRAVES A L’EQUITE DU GENRE
MARIAGES PRECOCES, VIOLENCES FAITES AUX FEMMES ET ABANDON SCOLAIRE
La coordonatrice du Programme Sénégal à l’Onu-Femmes, Marie Pierre Racky Chaupin, estime que pour une égalité du genre au Sénégal, il est nécessaire de trouver un remède aux mariages précoces, les violences faites aux femmes et à l’abandon scolaire des filles. Marie Pierre Racky Chaupin s’exprimait hier, lundi 23 février, à l’atelier de révision de la Stratégie nationale pour l’équité et l’égalité de genre (Sneeg) 2015-2025.
La coordonatrice du Programme Sénégal à l’Onu-Femmes, Marie Pierre Racky Chaupin, dans son allocution d’hier, lundi 23 février, à l’ouverture de l’atelier de révision de la Stratégie nationale pour l’équité et l’égalité de genre (Sneeg), a souligné la nécessité de lever les écueils que constituent les mariages précoces, les violences faites aux femmes et l’abandon scolaire des filles qui entravent la promotion de l’égalité des genres. A son avis, même si les filles sont plus nombreuses dans les écoles à l’initiation, elles ne finissent pas souvent les études à cause de faits sociaux ou de préjugés qui les accablent. La coordonatrice du Programme Sénégal à l’Onu-Femmes de déplorer, par ailleurs, les violences basées sur le genre, les mariages précoces, les stéréotypes sexistes, surtout en zone rurale.
Pis, poursuit-elle, «dans les secteurs de la santé, l’agriculture, l’hydraulique, l’assainissement, la prise en compte des aspects genres font face à un manque de capacité technique ou à des attitudes ancrées dans la tradition». Marie Pierre Chaupin, a tenu ces propos dans le cadre de la révision de la Stratégie nationale pour l’équité et l’égalité de genre dont le but (visé) est d’amener les acteurs intervenant dans la prise en charge des questions féminines, à trouver les voies et moyens de développer des politiques qui favorisent une équité entre les genres.
Mieux, estime le Secrétaire générale du ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfance, Adama Baye Racine Ndiaye, au terme du processus de révision de la stratégie, l’avantage c’est de pouvoir disposer d’un cadre stratégique et opérationnel d’intégration du genre entre 2015-2025. La réforme de la Stratégie nationale pour l’équité et l’égalité est fondamental car, ajoute-t-il, la revue à mi-parcours de la stratégie existante (et datant de 2010) a fait ressortir la nécessité d’accélérer la mise en œuvre des initiatives prises en vue de rendre plus important la contribution des femmes à l’effort de développement national.
Marie Pierre Racky Chaupin quant à elle, espère qu’avec la révision de la Sneeg, l’intégration du genre dans les politiques sectorielles et programmes de développement nationaux sera plus facile.